actualité

Affaire Matata en justice : peut-on penser à un acharnement politique ? (Analyse)

Par Egide Ombum

L’ancien premier ministre Augustin Matata Ponyo a déposé, jeudi 23 Juin 2023, au greffe de la Cour Constitutionnelle, un réquisitoire portant récusation du procureur général près la Cour Constitutionnelle, Jean-Paul Mukolo. Augustin Matata Ponyo estime que ce procureur général « n’est pas partial ».

En effet, la récusation d’un juge est une démarche légale en République démocratique du Congo. Au terme de l’article 49 de la loi organique portant organisation et fonctionnement des juridictions de l’ordre judiciaire, il est permis à un accusé ou à un prévenu de récuser un juge pour diverses raisons notamment si ce juge entretient des liens familiaux ou d’amitié avec l’une des parties en justice, ou s’il a déjà émis un avis en tout autre qualité sur la même affaire, ou encore s’il manifeste un intérêt quelconque dans l’affaire. C’est justement pour cette dernière raison que Matata Ponyo récuse le procureur général près la Cour Constitutionnelle. L’ancien premier ministre estime que M. Jean-Paul Mukolo, procureur général près la Cour Constitutionnelle, démontre l’intérêt de vouloir l’éliminer de la course au pouvoir de décembre 2023. Le sénateur Matata Ponyo déclare même que le procureur général comploterait avec l’ancien ministre des finances pour lui remettre en cause devant la justice dans l’affaire Bukanga Lonzo.

Pour l’ancien premier ministre, il s’agit plutôt d’un acharnement politique, alors que de l’autre côté, la justice cherche tout simplement à dire le droit. Tentons d’y voir clair. En 2021, l’assemblée plénière du sénat avait rejeté la demande du procureur général qui sollicitait la levée des immunités du sénateur Matata Ponyo afin que celui-ci soit poursuivi dans l’affaire Bukanga Lonzo. Cependant, le même sénat avait autorisé la levée des immunités de ce même sénateur pour d’autres faits à savoir les présumés détournements des fonds alloués à l’indemnisation des victimes de la zairianisation. Deux ans plus tard, soit en juin 2023, alors qu’Augustin Matata Ponyo n’a pas encore recouvré ses immunités, le procureur général sollicite de nouveau la levée des immunités du sénateur Matata Ponyo pour sa poursuite en justice dans l’affaire Bukanga Lonzo. Pourquoi le dossier se relève-t-il à près de cinq mois de l’élection présidentielle ?

C’est là que tout passe pour un acharnement dans la tête d’Augustin Matata Ponyo. Non seulement il se déclare candidat à la présidentielle de décembre 2023, Matata Ponyo se considère aussi comme le challenger de taille du président Félix Tshisekedi à ce scrutin. Pour lui, tous ces dossiers soulevés en justice tendent à l’écarter de la course au pouvoir. Quatre mois plutôt, soit en Avril 2023, la Cour de Cassation s’était déclarée incompétente à ce sujet renvoyant le dossier à la Cour Constitutionnelle qui, en vertu de l’article 164 de la constitution, a déclaré qu’elle est l’unique juridiction capable de juger un premier ministre en fonction ou un ancien premier ministre pour des faits commis à l’occasion de l’exercice de son mandat. Matata Ponyo fait-il peur à ses challengers ? Cherche-t-on à instrumentaliser la justice pour l’écarter de la course ?

La question de la levée des immunités de Matata Ponyo a refait surface après la nouvelle requête introduite, le 16 juin dernier, par le procureur général au bureau du sénat. Étant déjà en vacances, le bureau du sénat s’est réuni pour statuer sur la requête. À l’issue de cette réunion, le président de la chambre haute du parlement a indiqué que Matata Ponyo était toujours à la disposition de la justice car, depuis que ses immunités lui ont été levées, cela ne le lui a pas été remis. L’article 218 du règlement intérieur du sénat le prévoit qu’en dehors de session parlementaire, le bureau du sénat se réunit pour décider soit de la levée ou non des immunités d’un sénateur sur demande du Procureur général. Mais, alors pourquoi le procureur général a-t-il attendu la fin de la session pour requérir l’autorisation de poursuite du sénateur Matata Ponyo dans l’affaire Bukanga Lonzo, une demande de poursuite qui avait déjà été rejetée par l’assemblée plénière ? Peut-on poursuivre un sénateur pour d’autres faits que ceux pour lesquels ses immunités ont-elles été levées ?

En date du mercredi 21 juin dernier, Matata Ponyo a également récusé le président du sénat l’accusant de complicité. Il a même déclaré qu’il n’a plus ni confiance au président du sénat, ni au procureur général près la cour constitutionnelle. La justice est-elle instrumentalisée comme le pense Augustin Matata Ponyo ? Il n’appartient qu’à l’avenir de nous en dire plus. Notons par ailleurs que l’ancien premier ministre Augustin Matata Ponyo est poursuivi notamment pour détournement d’environs 205 millions de dollars américains des fonds destinés au projet du parc agro-industriel de Bukanga Lonzo.

 

 

 

 

 

 

 

Articles similaires

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Bouton retour en haut de la page