Vingt-quatre (24) véhicules transportant le cacao congolais pour le compte de la société ESCO-KIVU ont été bloqués dans différents postes de sortie pour l’Ouganda par les services attitrés depuis le 5 janvier 2021. Tous ces véhicules (19 au Terminal container de Beni-TCB, 9 à Kasindi et 3 à Nobili ) s’apprêtaient à traverser avec une cargaison d’au moins 600 tonnes de cacao congolais ( un véhicule semi-remorque charge à moyenne 40 tonnes) sorti des champs des cultivateurs du Ruwenzori. La saisie de ces 24 véhicules sur ordre des responsables de l’ONAPAC/Beni entre dans leurs prérogatives telles que le leur reconnaît l’Arrêté 086/CAB/MIN/AGRI/2016 du 1er avril 2016 fixant les normes de conditionnement des produits agricoles à l’exportation :« Aucun produit agricole tel que défini à l’article 4 duquel Décret portant Statut de l’ONC ne peut circuler sur le territoire national sans document dûment émis par l’Office sous réserve d’être saisi. » ces produits, une fois la frontière traversée, changent d’origine pour être estampillés « Product of Uganda ».
Le cacao cultivé par la population du Ruwenzori, récolté par on ne sait qui après des attaques meurtrières des villages, aurait été vendu à des agents d’ESCO-KIVU pour le compte de sa filiale ESCO-UGANDA installée dans le district de Kasese en Ouganda. Comme à leur habitude, les 24 véhicules chargés du cacao produit au Congo devaient traverser sans aucun respect des normes en matières de réglementation des produits agricoles industriels en exportation. Ce, avec la complicité des agents de la DGDA et de l’Office Congolais de Contrôle (OCC) et par certaines banques qui livrent la Licence modèle EB sans aucun soubassement. Aucun de 24 véhicules arrêtés ne disposait d’un seul document de l’Office national des Produits agricoles congolais « ‘ONAPAC, ex-OZACAF ».
Bien plus, les propriétaires desdits véhicules ne sont pas agréés comme exportateurs et les entrepôts où ils disent avoir stockés leur produit ne sont ni connus ni agréés par l’ONAPAC. Ce qui constitue un manque à gagner pour la RDC qui ne peut pas jouir des opérations de rapatriement des devises à partir de la Licence modèle EB falsifiée. Ce manque à gagner se constate aussi dans les statistiques qui bénéficient à l’Ouganda alors que le cacao est congolais.On peut imaginer ou spéculer sur la façon dont ce cacao se retrouve dans des véhicules en partance pour l’Ouganda et ne pas penser aux champs des villageois dévastés. Pourquoi pas à lier la récolte et le commerce du cacao à des attaques de ces derniers jours dans la contrée de Mutwanga/Bulongo qui ont fait tant de victimes. Comme nous l’avions écrit dernièrement, c’est durant le troisième trimestre de l’année coïncidant avec la période de récolte du cacao que les massacres sont commis avec une ampleur exagérée. Ceci, pour faire fuir les cultivateurs de leurs champs et permettre la récolte et la vente frauduleuse du cacao. L’on doit aussi se poser des questions sur cette facilité dont dispose ESCO-KIVU et cet aura qu’il a pour opérer sans être inquiété dans une zone où les massacres sur les populations civiles et les militaires FARDC sont commis.
Pour rappel, pour être exportateur des produits agricoles industriels et bénéficier de la Licence modèle EB, il faut disposer des trois documents suivants : un contrat de vente visé par l’ONAPAC, un certificat de qualité et un certificat d’origine international du cacao. Bien plus, la loi stipule à ce sujet : « Il est soumis à l’agrément pour une durée d’un an, toute personne physique ou morale qui remplit les conditions fixées par l’ONC en matières d’achat, d’exportation et de transit des produits agricoles d’exportation. » (Art. 25, alinéa 1 de la Réglementation de change en RDC.) 80 % du cacao congolais passe par le circuit opaque et criminel de l’autre côté de la frontière avec des prix alléchants que ESCO propose. En effet, ESCO-KIVU achète le kilo à 1,9 dollar $ mais, en réalité et selon nos sources, il vole le planteur après avoir tripoté sa balance. 1Kilo de cacao d’ESCO est, en réalité, 1,3 kilo.
Tout en saluant les efforts fournis par l’actuelle direction de l’ONAPAC/Beni, il y a lieu de rappeler que ces véhicules ont été arrêtés au moment où les experts des Nations-unies viennent de publier leur rapport (S/2020/1283) dans lequel ils indexent entre autre les FARDC parmi les voleurs du cacao. Sans déterminer l’identité des acheteurs du cacao volé ni pointer ESCO-KIVU/ESCO-UGANDA, entreprise à capitaux anglo-américains qui participe à ces opérations de fraude qui alimentent l’insécurité et la violence dans le territoire de Beni. On est en droit de dire que le cacao saisi par l’ONAPAC constitue le « cacao du sang ».
Congopresse / lescoulisses.info