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Décryptage : Le succès des artistes congolais entravé par les revenus de streaming à l’ère de la digitalisation

Par David Ekutshu

La musique congolaise rayonne au-delà des frontières de la République démocratique du Congo, atteignant même des horizons internationaux. Avec ses multiples styles – rumba, afrobeat, rap, zouk, amapiano, coupé-décalé – le pays continue de produire des artistes à succès et des tubes qui dominent la scène nationale et touchent la diaspora. Cependant, à l’ère de la digitalisation, un grand défi se pose : comment tirer des revenus significatifs de chaque projet musical ?

D’après le dernier rapport de la Fédération internationale de l’industrie phonographique (IFPI), l’Afrique subsaharienne a enregistré une croissance de 24,7 % des revenus issus de la musique en 2023, la plus importante au monde. Pourtant, cette dynamique ne profite pas pleinement aux artistes congolais, dans un pays qui comptait environ 98,75 millions d’habitants en 2024.

Un paradoxe persistant

Selon Olivier Laouchez, PDG du groupe Trace, la RDC compte environ 200 000 artistes, dont 60 % ne sont pas professionnels. La musique, véritable passion nationale, est omniprésente : bars, mariages, églises, fêtes d’anniversaire, pubs et événements sportifs. Cependant, les artistes peinent à convertir cet engouement en revenus.

Une des causes principales est l’ignorance ou la méconnaissance des technologies numériques. Beaucoup continuent de dépendre de supports physiques comme le CD ou la cassette, désormais obsolètes. De plus, les plateformes de streaming, principal canal de distribution dans le monde, restent peu adaptées aux réalités africaines.

Les défis du streaming en Afrique

Esther Diane Naah, directrice des opérations de la plateforme Colorfol, explique : « Le faible taux de bancarisation est un problème majeur. Aujourd’hui, pour s’abonner aux plateformes de streaming, il faut une carte bancaire, ce qui est rare dans nos régions. S’ajoutent à cela le coût et la stabilité d’internet, qui freinent le développement du streaming. Enfin, la culture technologique n’est pas encore ancrée ; streamer une chanson n’est pas un réflexe culturel ».

Ces obstacles limitent les revenus issus du streaming, qui représentent environ 20 % des gains pour les artistes francophones, selon Mamby Diomandé, fondateur du Salon de l’Industrie Musicale en Afrique de l’Ouest (SIMA).

La RDC face à des défis structurels

Outre les contraintes liées au streaming, les artistes congolais doivent également composer avec une gestion défaillante des droits d’auteur. La Société congolaise des droits d’auteur et droits voisins (SOCODA), créée en 2011, fait l’objet de critiques sur son fonctionnement. La ministre de la Culture, Yolande Elebe, a promis de réformer cette institution depuis sa prise de fonction en mai 2024, mais les résultats se font attendre.

Une industrie en quête d’équilibre

En attendant des réformes profondes, les artistes congolais continuent de s’appuyer sur les concerts live, les partenariats avec des marques, les publicités et les dédicaces pour subsister. La tradition des playbacks reste également un moyen de générer des revenus.

Malgré ces défis, la RDC continue de produire des artistes talentueux dont les œuvres marquent chaque année. Mais pour que la digitalisation devienne une véritable opportunité économique, il faudra surmonter les barrières structurelles et culturelles qui freinent l’adoption des outils numériques.

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