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La détérioration de la situation sécuritaire à l’Est de la République Démocratique du Congo (RDC) a engendré une crise humanitaire sans précédent. L’escalade de la violence entre l’armée congolaise et ses alliés d’une part, et les rebelles du M23 soutenus par le Rwanda d’autre part, ne semble pas près de s’arrêter.
Le 29 janvier 2025, le président congolais Félix Tshisekedi avait promis une « riposte vigoureuse », quelques jours après la prise de Goma, capitale provinciale du Nord-Kivu, par les rebelles du M23 et l’armée rwandaise. Cependant, Kinshasa s’évertue à rechercher une solution diplomatique, tout en excluant strictement l’Alliance Fleuve Congo (AFC), plateforme dont fait partie le M23, alors même que ce dernier poursuit son offensive dans le Sud-Kivu voisin.
*Félix Tshisekedi dans l’embarras*
Ce conflit, qui dure depuis des décennies et qui a repris sous le premier mandat de Félix Tshisekedi avant de s’intensifier en 2024, a provoqué un nombre record de déplacés de guerre, selon l’ONU. Le gouvernement congolais a misé sur des accords diplomatiques visant une « cessation des hostilités », sans réel succès, tout en maintenant l’option militaire. Dans cette optique, Kinshasa a fait appel aux forces armées de la Communauté d’Afrique de l’Est (EAC) en novembre 2022 et à celles de la Communauté de développement de l’Afrique australe (SADC) fin 2023.
Ces renforts militaires et démarches diplomatiques se sont toutefois révélés inefficaces face à l’AFC, une coalition politico-militaire dirigée par l’ex-président de la Commission électorale Corneille Nangaa et soutenue par Kigali. L’AFC cherche soit à renverser le régime de Tshisekedi par la force, soit à imposer un dialogue direct avec le gouvernement congolais pour mettre un terme à la crise sécuritaire. Mais Kinshasa, qui qualifie le M23 de « groupe terroriste », a exclu en janvier dernier toute discussion avec lui.
*Le M23 force Tshisekedi à dialoguer*
Début février, alors que les blocs régionaux africains (SADC et EAC) devaient se réunir en Tanzanie pour discuter de la situation sécuritaire en RDC, les rebelles du M23 et leurs alliés rwandais ont décrété un cessez-le-feu… avant de le violer 48 heures plus tard. Pendant ce temps, Bukavu, capitale provinciale du Sud-Kivu, est tombée aux mains du M23 et de l’armée rwandaise le 16 février. Le groupe armé a également avancé dans le territoire d’Uvira, affrontant l’armée congolaise et les combattants locaux Wazalembo, qui souffrent d’un manque d’équipement, de renseignements et même de ravitaillement.
*Une épreuve difficile pour Kinshasa*
Félix Tshisekedi continue de privilégier la diplomatie, mais les réponses qu’il obtient sont mitigées. Le Président kényan William Ruto, actuel président de l’EAC, considère que « la guerre à l’Est de la RDC est une affaire entre Congolais », tandis que Paul Kagame rejette toute responsabilité, malgré les accusations récurrentes de l’ONU sur l’implication du Rwanda. L’Union africaine reste passive face à une crise qui aurait causé entre 3 et 10 millions de morts, selon des estimations du Parti Communiste Français (PCF). De son côté, la communauté internationale semble de plus en plus absente.
Kinshasa pourrait espérer un soutien de l’Ouganda, avec qui elle entretient une coopération militaire. Des soldats ougandais sont d’ailleurs déployés à Bunia, chef-lieu de la province de l’Ituri, sous état de siège. Cependant, l’implication de l’Ouganda inquiète, notamment après des déclarations du commandant de l’armée ougandaise, Muhoozi Kainerugaba, fils du président Yoweri Museveni, qui a exprimé son intention d’attaquer Bunia.
Par ailleurs, le gouvernement congolais semble peu intéressé par le « Pacte social pour la paix », une initiative de consultations menée par les Églises catholique et protestante en RDC (CENCO-ECC). Cette structure religieuse a déjà rencontré les dirigeants de l’AFC, ainsi que les présidents rwandais et kényan, pour tenter de négocier une issue pacifique.
Dans un dernier effort, un émissaire de Félix Tshisekedi s’est rendu le 18 février à N’Djamena pour solliciter une aide militaire auprès du président tchadien Mahamat Idriss Déby Itno. Reste à savoir si cette initiative changera le cours du conflit.