Lubumbashi : Deux maires pour une ville ? La confusion s’installe à l’hôtel de ville

À Lubumbashi, la capitale cuprifère du Congo, un bras de fer inédit paralyse l'administration municipale. Deux maires se disputent le fauteuil, plongeant la ville dans une confusion politique croissante.

 

La crise a éclaté suite à une décision du Conseil d'État datée du 19 juillet 2025, qui suspendait la nomination de Patrick Kafwimbi Mumamba et ordonnait le retour de Joyce Tunda Kazadi, maire adjointe, à la tête de la mairie. Un verdict que M. Kafwimbi a contesté en reprenant possession des locaux dès le lendemain, avec le soutien de certains groupes politiques locaux.

 

Deux camps, deux visions

 

Le retour de Kafwimbi, appuyé par des mouvements comme SYMPIA, témoigne des tensions politiques sous-jacentes dans la région. Ses partisans mettent en avant sa capacité à répondre aux aspirations de la population. À l'inverse, les soutiens de Joyce Tunda Kazadi brandissent la décision du Conseil d'État comme le seul rempart de la légalité.

 

Cette situation inédite a des conséquences directes sur le fonctionnement de la ville. Avec deux autorités qui se réclament du même poste, l'administration est au ralenti. Les fonctionnaires, pris entre deux feux, hésitent sur les ordres à suivre, tandis que les signatures et les sceaux se multiplient sur les documents officiels.

 

Le silence du ministère de l'Intérieur face à cette crise ne fait qu'ajouter à l'incertitude. L'absence de directive claire de Kinshasa laisse libre cours aux interprétations et alimente le sentiment d'illégalité. Des juristes pointent du doigt une atteinte à l'État de droit, soulignant que l'exécutif doit se conformer aux décisions de la justice.

 

Au-delà de la question juridique, cette crise révèle les profondes rivalités politiques qui traversent le Haut-Katanga. Lubumbashi, poumon économique du pays, est un enjeu majeur pour les différents acteurs politiques, qui cherchent à contrôler ses ressources et son influence. La nomination de Kafwimbi est perçue comme une tentative de prise de contrôle par certaines figures influentes, tandis que Tunda incarne la continuité institutionnelle.

 

Sortie de crise : quelles options ?

 

Pour sortir de cette impasse, trois scénarios sont possibles :

• L'application pure et simple de la décision du Conseil d'État, écartant Kafwimbi au profit de Tunda Kazadi.

• La désignation d'un médiateur neutre par le gouvernement central pour apaiser les tensions.

• Une médiation locale impliquant les autorités provinciales et la société civile pour trouver une solution durable.

 

Mais tant qu’aucune action concrète n’est engagée par le pouvoir central, Lubumbashi demeure paralysée, entre deux administrations, deux discours, deux volontés.

 

Une urgence démocratique

 

Cette crise dépasse le simple différend entre deux individus. Elle pose une question fondamentale : la République Démocratique du Congo est-elle prête à faire respecter ses institutions ? L’issue de cette affaire sera un test grandeur nature pour l’autorité du droit face aux rapports de force politiques.

 

En attendant, la ville de Lubumbashi vit au rythme de l’incertitude, suspendue entre deux maires, dans une confusion qui n’a que trop duré.

 

Emmanuel Kalasa, correspondant à Lubumbashi

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