L’arrestation de trois ressortissants chinois en possession d’une importante quantité d’or et de devises à Bukavu, au Sud-Kivu, a mis en lumière la persistance des réseaux d’exploitation illégale des ressources minières en République Démocratique du Congo. L’Association Congolaise pour l’Accès à la Justice (ACAJ) et la Dynamique Communautaire pour la Cohésion sociale et le Développement (DYCOD-RDC) ont publié une déclaration conjointe qui montre les avancées notables dans la lutte contre ce fléau, tout en exprimant de vives inquiétudes quant à des zones d’ombre persistantes.
Les deux organisations saluent la réaction rapide des autorités congolaises. Suite à l’arrestation des trois individus en possession de 10 lingots d’or et 800 000 dollars américains, le Vice-Premier Ministre et Ministre de l’Intérieur a ordonné la saisie des biens et leur mise à disposition de la justice. Le gouverneur du Sud-Kivu, Jean-Jacques Purusi Sadiki, a rapidement mis en œuvre ces instructions, en ordonnant la consignation des 10 lingots d’or auprès du Centre d’Expertise, d’Évaluation et de Certification (CEEC) et de 400 000 dollars auprès de la Banque Centrale du Congo (BCC). Les trois Chinois ont également été remis au Parquet Général de Bukavu pour des poursuites judiciaires.
Toutefois, ACAJ et DYCOD-RDC expriment leur préoccupation face à une discordance notable : seuls 400 000 dollars ont été consignés sur les 800 000 initialement saisis. Cette disparition de fonds soulève des questions quant à l’intégrité de la procédure et laisse planer le doute sur une possible complicité interne. Par ailleurs, le nombre exact de lingots d’or reste à clarifier.
Au-delà de cette affaire spécifique, les organisations mettent en avant une enquête parlementaire diligentée depuis fin décembre par l’Assemblée Nationale sur l’exploitation minière illégale au Sud-Kivu. Cette mission est d’autant plus importante que la déclaration conjointe révèle des informations troublantes sur une autre affaire similaire : une dizaine d’autres ressortissants chinois, arrêtés pour les mêmes motifs, auraient réussi à fuir le pays avec une somme importante en devises américaines et des lingots d’or, grâce à la complicité d’agents de la Direction Générale des Migrations (DGM). Cette fuite orchestrée a non seulement privé l’État de revenus fiscaux et douaniers substantiels, mais elle a surtout alimenté l’impunité des réseaux criminels.
Fortes de leur engagement pour la protection des ressources naturelles et la justice environnementale, ACAJ et DYCOD-RDC adressent une série de recommandations à l’exécutif et aux autorités provinciales :
• À la Première Ministre :
• Poursuivre sans relâche la lutte contre l’exploitation illégale des ressources naturelles.
• Interdire toute interférence politique dans les initiatives locales et provinciales visant à lutter contre ce phénomène.
• Au Gouvernement provincial du Sud-Kivu :
• Continuer la lutte contre l’exploitation illégale des ressources minières.
• Fournir des éclaircissements sur la disparition de 400 000 dollars sur les 800 000 dollars initialement saisis et clarifier le nombre exact de lingots d’or confisqués.
• À la Commission d’enquête parlementaire envoyée dans la province du Sud-Kivu de :
– Mener sa mission avec indépendance et fermeté.
– Consulter la société civile et les communautés locales pour obtenir des informations complémentaires.
– Au Bureau de l’Assemblée nationale, de publier dans le meilleur délai les conclusions de la commission d’enquête envoyée à Bukavu.
– Au Parquet Général de Bukavu d’Instruire les faits lui réfèrent avec indépendance et professionnalisme.
– À la DGM de mettre fin à toute complicité permettant à des étrangers soupçonnés d’infractions liées à l’exploitation illégale des ressources naturelles de fuir le territoire de la RDC, y compris dans le dossier des dix Chinois en fuite.
– À la population de Continuer à dénoncer l’exploitation illégale des ressources naturelles et rester prête à participer aux actions que la société civile pourrait lancer si la situation ne s’améliore pas ou si les autorités restent silencieuses.
– Aux ONG de la société civile, de documenter des cas d’entreprises étrangères exploitant illégalement les ressources naturelles de la RDC et violant les cahiers des charges signés avec les communautés locales, d’organiser les victimes et saisir les instances compétentes, tant au niveau national qu’international.