Alors que les pourparlers de paix de Doha piétinent, un nouveau coup de projecteur accable les principaux protagonistes du conflit qui ravage l’Est de la République démocratique du Congo. Deux organisations internationales de défense des droits humains, Human Rights Watch (HRW) et Amnesty International, tirent la sonnette d’alarme : des crimes de guerre présumés seraient commis à grande échelle dans les zones contrôlées par les rebelles du M23 et par certaines milices soutenues par Kinshasa.
Dans un rapport publié cette semaine, HRW dénonce au moins 141 exécutions sommaires attribuées au M23 pour le seul mois de juillet 2025. Amnesty International, de son côté, documente de multiples viols collectifs commis par des groupes armés alliés aux FARDC (Forces armées de la RDC), notamment les milices Wazalendo. Ces exactions, commises sur fond de conflit armé et d'impunité, mettent en lumière une spirale de violence dont les civils en particulier les femmes et les filles paient le prix fort.
Basé principalement dans les zones riches en minerais à la frontière rwandaise, le M23 soutenu selon plusieurs rapports par le Rwanda affirme défendre les droits des Tutsis congolais contre des milices hutus, issues notamment de groupes ayant participé au génocide de 1994. Or, selon HRW, la majorité des victimes des récentes exécutions seraient des Hutus congolais, ce qui soulève des inquiétudes sur un possible projet de nettoyage ethnique.
« Le monde doit dire stop », a réagi Tigere Chagutah, directrice régionale d’Amnesty International pour l’Afrique de l’Est et australe. Elle exhorte toutes les parties à placer la protection des civils au cœur de leurs priorités.
Alors que des négociations sont en cours entre Kinshasa et le M23, sous médiation qatarie, le climat reste tendu. Les deux camps s’accusent mutuellement de violer le cessez-le-feu. Les révélations de HRW et Amnesty viennent s’ajouter à un climat déjà délétère.
« Ces exécutions ciblées jettent une ombre grave sur la sincérité des engagements pris dans les accords de paix de Washington et de Doha », a réagi Thérèse Kayikwamba Wagner, ministre congolaise des Affaires étrangères. Le Rwanda, signataire en juin dernier d’un accord sous l’égide des États-Unis visant à soutenir les négociations de paix, continue de nier tout lien avec le M23.
Interrogé à Kinshasa, le porte-parole des FARDC, le général de division Sylvain Ekenge, reconnaît que l’armée congolaise ne peut pas entièrement contrôler les actions des milices locales pro-gouvernementales dans les zones contestées. Une déclaration qui souligne la complexité de la situation sur le terrain, où les lignes entre protection des civils et représailles armées deviennent de plus en plus floues.
Alors que la communauté internationale continue de miser sur les négociations, les ONG alertent : la paix ne peut être durable sans justice ni responsabilité pour les crimes commis. Pour l’instant, c’est la parole des victimes, trop souvent réduite au silence, qui réclame à nouveau d’être entendue.
S. Tenplar Ngwadi