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[Opinion]: «Je pense sérieusement que Thambwe Mwamba tout comme beaucoup de nos dirigeants ont besoin de bons conseillers en communication »

Je voudrais simplement soumettre les propos d’ATM à une analyse pragmatique que les communicologues connaissent bien, sous le nom des « Maximes conversationnelles d’Henri-Paul Grice », elles-mêmes relevant du principe de coopération, c’est-à-dire l’ensemble des normes qui permettent à l’interlocuteur d’ identifier votre intention communicative et de rendre la communication efficace. Ce sont les quatre maximes suivantes:

1.maxime de quantité : que votre contribution soit aussi informative que necessaire; qu’elle ne soit pas plus informative que nécessaire;

2. maxime de qualité : n’affirmez pas ce que vous croyez être faux; n’affirmez pas ce que vous n’avez aucune raison de croire être vrai;

3. maxime de relation: soyez pertinent;

4. maxime de qualité : ne vous exprimez pas de manière obscure ou ambiguë ; soyez bref et ordonné. On voit bien que ATM a enfreint d’abord les maximes 1 et 3.

Ce qu’il dit apporte-t-il l’information, c’est-à-dire la réponse à la question orale ? Non ! Son propos n’est ni informatif, ni pertinent par rapport au contexte créé par la question, qui canalise d’emblée la réponse à donner. C’est un peu comme si on demandait à quelqu’un: »avez-vous mangé ? » et qu’il répondait: »la RDC est un grand pays, qui compte 26 provinces ».

On pourra toujours rétorquer qu’il voulait sans doute élargir le contexte afin de mieux faire comprendre l’intention de la sénatrice, laquelle intention serait de simplement se venger pour n’avoir pas obtenu un poste. Mais là aussi, il aurait tout faux: le fait d’avoir raté un poste retire-t-il à une sénatrice le droit d’exercer ses prérogatives constitutionnelles de contrôle ? Certainement pas. ATM enfreint également la maxime 2: qu’est-ce qui nous garantit que sa seule parole est véridique, alors qu’il n’a aucune preuve pour démontrer ses allégations ? Certains, dans les réseaux, s’attaquent tout de suite à la dame, la qualifiant d’immorale, ne se rendant pas compte qu’ils ont juste intériorisé les affirmations- non démontrées et non démontrables d’ATM.

La réaction de la sénatrice, à peine audible, ne devrait donc pas être prise en compte, parce que l’autre a encadré son propos, d’une part profitant de sa position au perchoir, et de l’autre, semble-t-il, en ayant donné instruction aux médias présents de bien le cadrer et diffuser ses propos urbi et orbi ? Mais le simple fait qu’il ait proféré un propos rend-t-il celui-ci crédible ? Enfin, ATM a enfreint la maxime de qualité. J’entends parler de méthode.

Il a sans doute été ordonné en articulant son propos sur des points précis. Mais, il eût connu la maxime de qualité qu’il aurait cherché à aller droit à l’essentiel, et non dans des considérations périphériques non demontrables qui n’intéressent pas la nation, sauf peut-être une presse people et un certain public friand de faits croustillants. Et d’ailleurs, il aurait été naïf de croire que la brave dame allait l’écouter religieusement sans réagir. Sa réaction, alliée au non respect de la maxime de qualité, l’a empêché de « lire le reste de ses papiers », comme certains l’affirment. A qui la faute, si le message principal n’a pas été délivré, au prrofit des informations non pertinentes et inutiles par rapport au contexte ?

Je pense sérieusement qu’ATM, tout comme beaucoup de nos dirigeants, ont besoin de bons conseillers en communication. Le grand problème chez nous, c’est souvent de croire qu’on communique bien parce qu’on a la maîtrise du français et qu’on peut tenir un discours cohérent sans papier. C’est la galerie. Et en pensant faire mal à la dame, ATM a lui-même dévoilé les failles de sa communication.

 

Jean Claude Matumweni Makwala,

Professeur à l’Institut Facultaire des Sciences de l’Information et de la Communication et auteur des plusieurs livres

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