Dans son allocution devant les députés et sénateurs réunis en Congrès en vue de recevoir son message sur l’Etat de la Nation, le Chef de l’Etat a exprimé sa volonté d’en finir avec les tueries perpétrées par des groupes « terroristes » dans le Grand Nord.
Il a également déploré et condamné le recours à la violence contre la MONUSCO par les populations de Béni, et affirmé sa volonté d’un départ concerté, graduel, organisé et structuré de cette organisation des Nations-Unies.
1. De la nécessité de changer de paradigme
Il est certain ces tueries ne cesseront pas tant que l’ennemi ne sera pas clairement pointé du doigt, ses motivations identifiées et rendues publiques, et ses forces bien évaluées.
Tout observateur attentif aura remarqué que les soi-disant ADF-NALU n’attaquent jamais l’Ouganda, et les soi-disant FDLR n’attaquent jamais le Rwanda. Ce ne sont donc pas des groupes armés qui cherchent à renverser et à prendre le pouvoir dans leurs pays respectifs. Ce sont très probablement des militaires des armées régulières en missions commandées, ou tout au moins des mercenaires. Et dans cette dernière hypothèse : au service de qui ?
2. Qui est l’ennemi commanditaire des tueries du Grand Nord ?
Répondre à cette question nécessite de s’en poser une deuxième : qui est à l’origine de l’assassinat de l’ancien Président rwandais Habiyarimana, et pourquoi ? En effet, les commanditaires des deux désastres sont très probablement les mêmes.
Tous les témoignages convergent vers les Etats-Unis d’Amérique, plus précisément vers les lobbies miniers de l’Arkansas, avec l’ancien Président Bill Clinton comme bras agissant. En effet, l’avion de l’ancien Président rwandais n’était pas tombé dans l’océan ; mais sur la terre ferme. Les boîtes noires avaient été récupérées par les services américains. Un procès est d’ailleurs toujours en cours devant la justice espagnole sur ce dossier sur plainte des familles des pilotes. Et l’ancien Président américain est cité.
Les miniers américains voulaient se garantir l’approvisionnement de minerais stratégiques de l’Est de la RDC après la disparition physique prévisible d’un Maréchal Mobutu malade et affaibli dès les années 1993-1994. A cette fin, ils avaient décidé de placer à la tête du Rwanda « un agent fidèle et sûr », un autre tenant déjà les commandes à Kampala. Avec ces 2 hommes liges aux commandes de ces deux pays qui encerclent le Nord/Kivu, la province congolaise était sous leur contrôle. On peut ainsi aisément comprendre que les tentatives de déstabilisation du Burundi et les ennuis du Président Kurunziza trouvent leur origine dans le manque d’enthousiasme de ce dernier. Il fallait donc le déguerpir pour placer à la tête du pays un homme sous l’autorité du Président Kagame, l’homme de confiance.
Après la disparition du Président Mobutu, ces deux pays avaient reçu mission de prendre le contrôle du sommet de l’Etat congolais. Mais, c’était sans compter avec le patriotisme et l’anti-impérialisme de Mzee Laurent Désiré Kabila.
L’assassinat, par les mêmes, du Lumumbiste Kabila sera suivi d’une longue période de flottement. Ainsi, pendant que l’Est de notre pays ne connaissait que la violence des groupes armés, les industries occidentales tournaient à plein régime. Elles étaient régulièrement approvisionnées en minerais de la RDC, acquis à vil prix, et qui transitaient par Kigali et Kampala.
L’année 2018 connut une passation pacifique du pouvoir au sommet de l’Etat congolais. La consolidation progressive des institutions démocratiques en RDC, le prévisible retour de l’autorité de l’Etat sur l’ensemble du territoire national, et l’accélération de l’initiative militaire pour la pacification de l’Est du pays ne pouvaient que déboucher sur la cessation de ces pillages.
Mais avant ces changements institutionnels, les géants miniers, et leurs instruments étatiques, avaient tout tenté pour installer leurs marionnettes aux commandes de notre pays : prise de contrôle du processus électoral au travers d’un « soutien empoisonné » de la MONUSCO, envoi des « observateurs » par l’Union Européenne, observateurs qui, comme chacun le sait, apportent généralement leurs propres résultats électoraux dans leurs mallettes, ou encore tentatives d’imposer un candidat unique de l’opposition comme cela a été le cas en Afrique du Sud et à Genève. Il y a également eu les tentatives de déstabilisation des institutions du pays par la création d’un chaos généralisé notamment en finançant des marches, avec le concours des ONG et de certaines Eglises de la place ; particulièrement le clergé de l’Eglise catholique (la CENCO).
3. La nouvelle donne
Devant l’échec de toutes ces stratégies, il faut le reconnaître, grâce à la vigilance, au patriotisme, et à la détermination des dirigeants congolais, nous assistons ces derniers temps à une intensification de la violence et une accélération de manœuvres visant à arracher l’Est du pays de l’autorité de l’Etat congolais.
Le Grand Nord est pris en tenailles par le Rwanda et l’Ouganda, que les Etats-Unis équipent et soutiennent, à l’extérieur de nos frontières, et la MONUSCO à l’intérieur, le ver dans le fruit.
On comprend mieux les propos du Secrétaire Général des Nations-Unies, Monsieur Guterres, lorsqu’il déclarait voici quelques mois que c’était une illusion de s’imaginer que la MONUSCO allait prochainement quitter la RDC. Cette déclaration avait été faite après celle de l’ancien Président Joseph Kabila du haut de la tribune des Nations-Unies ; déclaration dans laquelle il avait fustigé le bilan « mitigé » de l’action de la MONUSCO en RDC et exigé son départ de notre pays. Surtout, elle a été faite après la passation pacifique et civilisée du pouvoir au sommet de l’Etat, le Congo étant à présent dirigé par un nouveau Président encore fragile et inexpérimenté.
Peu avant les discussions sur le renouvellement du mandat de la MONUSCO au Conseil de Sécurité, on a vu débarquer le Secrétaire Général des Nations-Unies à Kinshasa, venu faire pression sur le nouveau Chef de l’Etat pour qu’il accepte ce renouvellement du mandat.
A quelques jours de l’adoption de la résolution par le Conseil de Sécurité, les Etats-Unis ont même exigé et obtenu que soit immédiatement relevé de ses fonctions l’Ambassadeur Gata de la RDC auprès de l’ONU ; connu pour ses envolées patriotiques contre la présence de la Monusco dans notre pays.
4. L’instrument rwandais
Dans ce qui se passe à Beni, l’intégrité territoriale du grand Congo est menacée. Nombre d’acteurs politiques congolais ne semblent cependant pas avoir pris suffisamment conscience de l’imminence du danger.
Et pourtant, en 2003 déjà, dans un document rendu public à Charleroi, le feu Albert Kisonga Mazakala, ancien ambassadeur de la RDC en Belgique, avait émis quelques réflexions qui méritent toute l’attention des décideurs congolais en ce moment :
Il y a des hommes politiques congolais, avertissait-il, qui croient possible de collaborer avec Kagame, exactement comme y avaient cru les Twagiramungu, Seth Senashonga, et Pasteur Bizimungu.
« Les Rwandais sont des gens à prendre très au sérieux, parce que leur détermination à au moins prendre une partie du Congo, et à imposer certains des leurs à la tête de notre gouvernement ne souffre d’aucun doute. »
La résistance face à l’agression avait fait dire par certains que l’agresseur n’avait aucune chance. C’était mal le connaître. Au contraire, celui-ci est convaincu, affirmait encore l’Ambassadeur Kisonga, que tôt ou tard, il aura le dernier mot dans ce conflit, c’est à dire au minimum mettre la main sur le Kivu, si non contrôler en même temps le pouvoir à Kinshasa.
En expulsant son armée de Kinshasa le 2 août 1998, Laurent Désiré Kabila avait infligé à Kagame une défaite, certes. Mais, en réalité, le leader congolais n’avait fait que retarder les échéances. »
« Depuis, la stratégie de Kagame, menée avec intelligence, a ramené le Rwanda au centre du jeu politique congolais comme partenaire légitime. Le Rwanda a déjà un des siens comme vice-Président de la République ; il a ses Ministres au sein du Gouvernement congolais, ses généraux dans l’armée, ses agents dans nos services de sécurité. »
Certes, la culture rwandaise est une culture de conquête, leur méthode étant la ruse, la perfidie et le glaive, écrivait encore Albert Kisonga, « ils ne sont pas pour autant invincibles, s’il existe une volonté intelligente de leur résister. Il suffit d’un minimum de bonnes décisions pour que le Congo soit en mesure, en quelques mois seulement, d’écraser militairement le Rwanda. Il y a, en effet, au sein du peuple congolais, une capacité militaire potentielle qui ne demande qu’à être exploitée. Nul n’oublie que les soldats congolais, bien encadrés, ont battu les Allemands à Tabora et les Italiens à Gambela. Les Rwandais eux-mêmes se souviennent de la raclée leur infligée par le général Mahele à Gabiro. »
Notre atout majeur est que, « le peuple congolais a fait la démonstration, depuis le début de l’agression de ses voisins de l’Est, de la profondeur du sentiment national congolais ».
Leçon à tirer des écrits de l’ambassadeur Albert Kisonga Mazakala : les intérêts des puissances occidentales et les ambitions du Rwanda convergent. Tout flirt des dirigeants congolais avec Paul Kagame va à l’encontre des intérêts supérieurs du peuple congolais.
5. Et cette MONUSCO, dont le mandat vient d’être renouvelé.
La MONUSCO est une armée au service des grandes puissances et des multinationales. Son effectif s’élevait officiellement, jusqu’il y a peu, à 20.000 hommes. Mais, en réalité, aucun Congolais n’en connaît le chiffre exact, qui pourrait même s’élever à plusieurs dizaines de milliers de soldats, certains pays voisins étant susceptibles d’en héberger, et d’autres pouvant se dissimuler sur notre territoire sous des couvertures diverses.
Son budget annuel est de près de1,4 milliards de dollars.
L’armement de la MONUSCO n’est pas connu des dirigeants congolais. Cet armement devrait être beaucoup plus sophistiqué que celui de nos militaires ; sans compter l’apport logistique et technologique extérieurs. Les pays voisins devraient également en avoir stocké sur leur territoire, Kampala étant, dit-on, une base logistique importante de la MONUSCO. D’autre part, la Banque Mondiale a financé la construction d’un aéroport international à Goma, ville qui est ainsi placée à quelques minutes de vol de Kigali. Cet aéroport pourrait accueillir le débarquement des hommes, des armes, et de la logistique de guerre. Pour rappel, Goma est déjà tombée à deux reprises sous le contrôle du Rwanda au cours des dernières années.
Qui commande la MONUSCO ?
C’est naturellement celui qui la finance. D’où cette seconde question : qui en est le principal contributeur ? Ce sont les Etats-Unis d’Amérique.
Qui orientent les décisions politiques et économiques aux Etats-Unis ? Ce sont les lobbies. On en trouve dans tous les secteurs importants de la vie américaine : environnement, armement, santé, produits miniers, etc. Les lobbies financent les élections présidentielles et influent sur les décisions politiques et économiques du gouvernement américain.
La RDC, conformément aux Accords de Yalta qui partagent le monde en zones d’intérêts des grandes puissances, se situent dans la zone d’influence des puissances occidentales. La MONUSCO a donc pour mission fondamentale de protéger et de garantir les sources d’approvisionnement en ressources naturelles des puissances occidentales.
6. La menace de balkanisation
Dans ce cadre, et si nécessaire, la balkanisation d’un pays au sein d’une même zone d’influence n’a aucune importance dès lors qu’elle répond à une des stratégies devant permettre de maintenir le contrôle sur les sources d’approvisionnement en ressources naturelles.
Notre pays a connu une première balkanisation de fait au lendemain de l’Indépendance du fait de la perte de contrôle par ces puissances des commandes d’un Congo gouverné par un nationaliste : Patrice-Emery Lumumba. C’était l’époque des sécessions. Il ne sera réunifié qu’après l’assassinat du leader congolais. Le Congo ex-eelge connaîtra une deuxième balkanisation de fait au cours de la période 1998-2001. Les puissances occidentales venaient de perdre encore les commandes de notre pays dirigé désormais par un autre nationaliste, Mzee Laurent-Désiré Kabila. Des Congolais seront instrumentalisés afin que le pouvoir de Kinshasa ne contrôle pas la totalité du pays. Encore une fois, le pays ne sera réunifié qu’après l’assassinat de Mzee par les mêmes, à l’occasion des Accords de Pretoria ; au sortir desquels les seigneurs de guerre se verront notamment gratifiés des titres de vice-Président de la République.
Aujourd’hui encore, la menace est très grande. En effet, toutes les stratégies visant à opposer Joseph Kabila et Félix Tshilombo ont échoué jusqu’à présent. Cette opposition aurait eu pour finalité de faciliter la manipulation d’un nouveau Président encore fragile et inexpérimenté. Les puissances occidentales tentent de détacher et de prendre le contrôle de la partie Est de notre pays, particulièrement riche en minerais stratégiques ; donc de balkaniser une nouvelle fois pour toutes.
Les massacres des populations civiles, avec une très large diffusion d’images de corps humains sauvagement mutilés, n’a pour objectif final que de créer une psychose, de terroriser les populations locales en vue de les contraindre à s’éloigner de ces territoires.
Les espaces ainsi dégagés devraient progressivement être repeuplés par des populations rwandaises, parmi lesquelles de nombreux militaires des FPR et leurs familles qui se verraient attribuer des terres.
Le moment venu, et sous le prétexte officiel de protéger les populations civiles massacrées, l’ONU devrait décréter « zone neutre » tout cet espace en vue de « mettre fin aux tueries ». Et, c’est la MONUSCO qui, conformément à son mandat, serait chargée de sécuriser cette zone neutre placée sous la protection de l’ONU. L’histoire nous rappelle le cas de Kosovo.
La MONUSCO et l’armée rwandaise « protégeant les populations locales », les économies occidentales et les sociétés multinationales pourront être rassurées quant à l’approvisionnement régulier en minerais stratégiques de notre pays au moindre coût.
Devenue zone sous la protection de l’ONU, d’abord, et zone autonome en suite, un référendum d’autodétermination pourra y être organisé. Et le résultat est connu d’avance.
7. Dans une course contre la montre
Une course contre la montre est donc engagée entre les patriotes, qui se battent pour maintenir l’intégrité territoriale de la RDC, d’une part, et les forces impérialistes, d’autre part. Nous avons le devoir de recourir à tous les moyens pour nous défendre. Notre pays est bel et bien en guerre.
Sans être expert des stratégies militaires, le bon sens indique de prendre d’urgence les quelques dispositions élémentaires ci-après :
1. Ordonner que la MONUSCO quitte immédiatement cet espace, dans une première étape, et la RDC, le plus tôt possible. En effet, si ceux qui financent la MONUSCO sont les destinataires finaux des minerais pillés dans l’Est de notre pays qui, pour ce faire, soutiennent les armées rwandaise et ougandaise, cela n’a aucun sens de les garder sur notre territoire, encore moins de les associer à des opérations militaires ; d’autant plus que l’on ne peut avoir sur un même front des troupes sous des commandements différents.
2. Décréter l’Etat de siège dans tout le Grand-Nord :
a. Remplacer tous les administratifs (gouverneurs, Administrateurs de territoire, chefs de localité) par des militaires ;
b. Permuter tous les militaires originaires de l’Est de notre pays avec ceux de l’Ouest ; officiers et simples soldats ;
c. Stationner une dizaine de soldats dans chaque village du Grand-Nord. Même s’il y avait 1000 villages, cela ne totaliserait que 10.000 soldats ;
d. Décréter le couvre-feu de stricte application entre 18h 00 et 6h 00 dans tout le Grand-Nord ;
e. Exiger des chefs de groupement et des chefs de rue un rapport quotidien sur les déplacements des habitants : les arrivées, les départs, et les absences, même d’une seule journée ;
f. Exiger des populations locales le signalement de tout mouvement suspect ;
g. Engager les populations à dénoncer tous les comportements suspects ;
h. Déployer massivement le Service de Renseignements militaires dans tout le Grand Nord ;
i. Disposer des campements militaires dans tous les sites d’exploitation minière.
3. Déployer les FARDC sur toute la longueur de la frontière avec les pays voisins de l’Est en vue de couper « les terroristes » de leurs bases-arrières éventuelles;
4. Mobiliser la population de toutes des grandes villes de notre pays dans des marches populaires en vue d’exprimer notre colère devant le monde, de témoigner la solidarité avec nos frères et sœurs du Grand Nord, de renforcer la cohésion nationale, et d’encourager nos compatriotes sous les drapeaux. Devraient être concernés aussi bien les écoles secondaires et supérieures, les Eglises, les partis politiques, le mouvement associatif, que le mouvement syndical et l’Administration publique.
5. Traduire devant la justice militaire tous les acteurs politiques et tous les militaires convaincus de haute trahison et leur infliger les châtiments les plus sévères ;
6. Constituer au sein des FARDC un service spécialisé chargé de traquer les traitres et les infiltrés.
Au besoin, et par mesure de sécurité, mettre préventivement à la retraite anticipée tous militaires et tous officiers sur lesquels persistent des doutes ;
7. Envoyer des missions dans les pays occidentaux pour des campagnes d’information, de sensibilisation, et la mobilisation des sympathies à notre cause.
En guise de conclusion, et sur fond de tout ce qui précède, nous pouvons conclure que le Chef de l’état a commis une grave erreur en acceptant le renouvellement du mandat de la MONUSCO; erreur qui va coûter cher au peuple congolais. D’autre part, il est démobilisant et improductif de cajoler Paul Kagame. Seul un langage dur peut être payeur. Et enfin, nous devons nous investir dans le renforcement de notre armée en hommes, en armes, en technologie, et en formation.
Le peuple congolais doit se ressaisir. Il n’y a point de miracles à attendre. Seule une action volontariste et déterminée peut permettre d’épargner la vie de nos compatriotes et préserver l’intégrité du territoire national.
Fait à Kinshasa, le 22 décembre 2019
Corneille MULUMBA
Membre co-fondateur de l’UDPS
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