La Constitution a limité le pouvoir du parquet général près la Cour constitutionnelle aux deux justiciables dont le Président de la République et le Premier ministre ainsi que leurs co auteurs et complices. L’article 164 de la constitution dispose que : « La Cour constitutionnelle est le juge pénal du Président de la République et du Premier ministre pour les infractions (…) commises dans l’exercice ou à l’occasion de l’exercice de leurs fonctions. Elle est également compétente pour juger leurs co auteurs et complices. »
Le procureur général de la Cour constitutionnelle fonde son action sur le principe de la cristallisation de droit pénal en justifiant que le fait infractionnel sur l’affaire Bukangalonzo a été commis par le sénateur Matata à l’époque où il était Premier ministre. Ce qui lui donne la compétence de le poursuivre en tant que Premier ministre puisque le PG près la Cour constitutionnelle n’a que le Président de la République et le Premier ministre et leurs co auteurs et complices comme justiciables. A noter que Matata comme sénateur, il serait poursuivi devant la Cour de cassation mais comme Premier ministre, c’est devant la Cour constitutionnelle. Même si l’on fait semblant d’oublier l’article 167 de la Constitution qui dispose : » En cas de la condamnation, le Président de la République et le Premier ministre sont déchus de leurs charges. »
L’interprétation de cet article remet en cause la poursuite d’un ancien Président de la République et d’un ancien Premier Ministre car il chasse l’équivoque en démontrant que seuls le Président de la République et le Premier ministre en fonction sont concernés pour être déchus en cas de leurs condamnations. Toute fois, restons dans le contexte que même l’ancien Premier ministre ou l’ancien Président de la République peut être poursuivi par la Cour constitutionnelle comme le veut le récent arrêt de la Cour constitutionnelle qui donne curieusement les effets de la rétroactivité en défaveur de l’accusé.
Ceci revient à dire que le fait de lever les immunités de l’honorable Matata comme sénateur ne suffit pas pour que le procureur général près la Cour constitutionnelle fonde sa compétence pour décerner un mandat de comparution au sénateur Matata qui répond selon le procureur comme Premier ministre. Il y a une autre barrière à franchir, celle des privilèges des poursuites telles que prévoient les dispositions de l’article 166 alinéa 1 : » La décision des poursuites ainsi que la mise en accusation du Président de la République et du Premier Ministre sont votées à la majorité des deux tiers des membres du Parlement composant le Congrès suivant la procédure prévue par le Règlement intérieur. »
En lisant cet article, on comprend clairement que le procureur général n’a pas encore la compétence de lancer le mandat de comparution à l’honorable Matata car il n’est pas le procureur général près la Cour de cassation qui ouvre une action publique contre un sénateur mais il s’agit, selon sa logique, d’un Premier ministre (accusé) qui est poursuivi et que l’action judiciaire tire sa base juridique de l’article 164 ,165 et 166 ainsi que dans la loi organique sur la Cour constitutionnelle. La barrière liée aux privilèges des poursuites est de deux niveaux : l’autorisation du Congrès pour la décision des poursuites d’une part, après, l’autorisation de mise en accusation d’autre part.
Le parquet général près la Cour constitutionnelle n’est pas comme le parquet général près la Cour de cassation qui jouit de la plénitude de l’action publique car il est subordonné à l’autorisation de deux tiers des membres du Congrès, et non du bureau du sénat. Le Procureur général près la Cour constitutionnelle devrait rester dans le droit constitutionnel pénal pour éviter les excès de pouvoir car toute compétence est d’attribution. Le Procureur général près la Cour constitutionnelle devrait attendre la rentrée parlementaire pour formaliser sa démarche malgré la violation de principe de « No bis in idem ».
Enfin, le procureur général près la Cour constitutionnelle devrait s’interroger sur sa compétence qui est limitée politiquement par l’autorisation du Congrès et éviter que le Président de la République, Félix Tshisekedi, se plaigne encore de la mauvaise qualité de la Justice congolaise.