
En adoptant une réforme majeure de la loi bancaire, l’Assemblée nationale congolaise entend lever les obstacles qui entravent le développement du secteur et freinent l’inclusion financière. Le député Katuala, initiateur de cette loi, explique les enjeux et les perspectives de cette initiative audacieuse.
Hier, dimanche 15 juin 2025, l’Assemblée nationale a franchi une étape cruciale pour l’économie congolaise en adoptant à une large majorité (354 voix sur 363) la loi modifiant la loi n° 22/069 du 27 décembre 2022 relative à l’activité et au contrôle des établissements de crédit.
En tant qu’initiateur de cette réforme et membre de la majorité soutenant la vision du Président Félix-Antoine Tshisekedi, je salue cette avancée significative pour le secteur bancaire congolais. Elle s’inscrit pleinement dans l’ambition du Chef de l’État de moderniser les cadres de gouvernance défaillants pour impulser un redémarrage économique de la RDC. Voici une analyse des enjeux, des avancées et des étapes à venir de cette initiative, essentielle pour un secteur où la bancarisation reste inférieure à 10 %.
Depuis juillet 2023, les 15 banques opérant en RDC se trouvaient dans une situation d’illégalité, incapables de se conformer à l’exigence de la loi n° 22/069 imposant un minimum de quatre actionnaires significatifs. Cette règle, unique en Afrique, était incompatible avec les modèles actionnariaux prédominants : actionnaire unique pour les filiales panafricaines et internationales, ou actionnaire majoritaire (plus de 80 %) pour les banques locales. Le délai initial de six mois, suivi d’une extension illégale à trois ans par la Banque Centrale du Congo (BCC) via l’instruction numéro 18, modification 3, n’a pas permis de résoudre cette incompatibilité, fragilisant la légitimité des banques face à leurs partenaires locaux et externes.
De plus, le cadre réglementaire de la BCC impose des conditions parmi les plus restrictives du continent : un capital social minimum de 50 millions USD, contre 10 à 25 millions USD dans la CEMAC/UEMOA, et des frais d’agrément des dirigeants parmi les plus élevés d’Afrique. Ces exigences, couplées à la règle des quatre actionnaires significatifs, ont découragé les investisseurs, entravé l’expansion des banques locales et aggravé la sous-bancarisation, nuisant au climat des affaires dans un pays confronté à des défis structurels (instabilité, infrastructures défaillantes) et à une perception internationale défavorable.
Malgré les réticences du Ministère des Finances et de la BCC, favorables au statu quo, la loi adoptée introduit des réformes majeures :
• Suppression de l’obligation de quatre actionnaires, alignant la RDC sur les cadres flexibles régionaux.
• Suppression de l’exigence d’actionnaires significatifs, simplifiant la gouvernance des établissements.
• Instauration d’un minimum de deux actionnaires, garantissant une diversification minimale sans compromettre les modèles existants.
• Autorisation pour la BCC de fixer les quotités de participation : Cette mesure, unique en Afrique, suscite des préoccupations. L’article 46 de la loi initiale, permettant à la BCC de suspendre les droits de vote des actionnaires significatifs nuisibles, offre une protection adéquate sans interférer dans la liberté actionnariale, une pratique courante ailleurs en Afrique.
Ces ajustements répondent à l’urgence de restaurer la conformité légale des banques et de renforcer l’attractivité du secteur. Cependant, il est crucial de noter que le secteur reste vulnérable au phénomène du « De-risking », où les institutions internationales réduisent leur exposition à la RDC par crainte de blanchiment des capitaux ou de financement du terrorisme. Cette menace, exacerbée par l’instabilité persistante (conflits, justice fragile, infrastructures limitées), souligne la nécessité d’un cadre réglementaire compétitif et d’une stabilisation nationale.
La loi sera examinée en seconde lecture au Sénat dès septembre 2025, en priorité par sa commission Ecofin. Ce processus législatif sera déterminant pour garantir que ces réformes se traduisent par un véritable changement sur le terrain et contribuent à un avenir économique plus stable et prospère pour la République Démocratique du Congo.