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«Non monsieur le député national, je suis irresponsable », Tribune de André Mukadi

De fois on confond tout, souvent on sait pas du tout ce qu’on sait et ça peut arriver à tout le monde. Ici est le lieu de fixer notre opinion sur une question capitale.

Un député national congolais de l’opposition, l’honorable Jean-Jacques MAMBA a transmis une question écrite au directeur de cabinet du président de la république sur base du contrôle parlementaire tel que prévu à l’article 138 de la constitution congolaise du 18 février 2006 en estimant que la « présidence de la république » est un service public susceptible de contrôle parlementaire et que celle-ci est sous le contrôle du directeur de cabinet du président de la république, M. V. KAMERHE, par conséquent il est responsable devant l’assemblée nationale.

Tels sont les faits de notre réflexion et de ceux-ci il ressort certaines questions de droit à analyser: tout ce qui est service public est responsable politiquement devant une assemblée parlementaire? C’est quoi la « présidence de la république » en droit congolais? Le directeur de cabinet du chef de l’Etat est-il vraiment responsable devant une chambre parlementaire? Etc.

En réalité…

Nous pensons qu’il vaut mieux distinguer droit administratif et droit constitutionnel à certains égards pour ne pas tomber dans l’analogie impassable. En droit administratif, plus précisément en droit des services publics ou grands services publics, il y a la conception de la notion de service public prise au sens large suivant lequel tout organisme ou activité créé pour la satisfaction de l’intérêt général et géré par les pouvoirs publics, est un service public. De ce fait toutes les institutions politiques, administratives et judiciaires sont des services publics; c’est-à-dire dire que le parlement, le président de la république, les cours et tribunaux, la FIKIN, etc sont des services publics.

Si on s’inscrit dans la logique que le controle parlementaire en vertu des articles 100 et 138 de notre constitution est exercé sur le gouvernement, les établissements publics, les entreprises publiques et les services publics de l’Etat, en ce qui est de ces dernières entités( services publics) pris au sens large, le parlement peut aussi se contrôler parce que ( grand) service public. Ce qui rend cette logique très illogique possible et perdant le sens même de la raison malheureusement.

Le service public dont il est question dans ces dispositions et susceptibles de controle parlementaire sont ceux pris au sens restreint et léga, et qui fait parti de l’administration publique. Il s’agit de celui défini comme: » tout organisme ou toute activité d’intérêt général relevant de l’Administration publique », c’est en vertu de l’article 3.3 de la loi du 7 juillet 2008 portant dispositions générales relatives à la transformation des entreprises publiques. Ceci dit, il faut alors se démander si la « présidence de la république » est un service public de ce genre.

En effet…

L’institution présidence de la république n’existe pas en principe en droit constitutionnel congolais. Le président de la république a un *cabinet* régi par l’ordonnance n°08/030 du 31 mars 2008 portant organisation et fonctionnement du Cabinet du Président de la République. La doctrine du droit administratif(Prof. MBOKO par exemple) a parlé de la « présidence de la république » comme les services administratifs mis à la disposition du président de la république dans la réalisation de ses attributions; et la présidence ainsi comprise est l’ensemble de tous les services politiques et administratifs à la disposition du président de la république. Les premiers étant constitués des membres du cabinet et les autres sont des fonctionnaires affectés au palais présidentiel( c’est le cas des balayeurs, des informaticiens, etc).
L’article 1er de l’ordonnance précitée en ce qui est du cabinet du président de la République dit qu’il est l’ensemble des services aidant le président dans l’accomplissement de ses attributions en tant que président de la république, autorité politique.

Dire que le cabinet est un service administratif rattaché au président de la république est une preuve qu’on a pas encore lu toutes les lois en la matière.

En effet, en assimilant le cabinet du Président de la République aux services services publics soumis au contrôle parlementaire prévue à l’article 100 de la Constitution, on meconnait les dispositions de l’article 2 p.1 de la loi organique n° 16-001 du 3/05/2016 fixant organisation et fonctionnement des services publics du pouvoir central, des provinces et des entités territorales décentralisées. Ces dispositions sont ainsi libellées: « les services publics du pouvoir central comprennent: 1. L’administration rattachée au Président de la République. »_ celà ne suffit pas pour conclure.

À l’article 24 al. 2 de la même loi de renchérir:  » _Ils_ (les services publics du pouvoir central) _sont hiérarchisés de la manière suivante: sécretariat général; direction; division et bureau »._ Il en résulte sans équivoque que le cabinet du président de la République n’est pas inclus dans les termes  » _administration rattachée au président de la République »_ puisqu’il n’est pas hiérarchisé de la manière indiquée ci-avant. Point n’est besoin de rappeler que les personnels des services publics du pouvoir central dont il est question, sont agents de carrière ou fonctionnaires tandis que les membres du cabinet du président de la République ne sont pas des fonctionnaires mais des agents publics simplement( nous insistons).

En fait, le cabinet du président de la République est un cabinet politique agissant au nom du président de la république au point que les deux sont liés pour la réalisation d’un même service pour le compte d’un seul( le président de la République). C’est comme les cabinets des ministres qui sont des services du ministre et non pas du ministère sachant qu’il y a une nuance à relever là dessus qui consiste en ce que seul le ministre peut répondre des actes des membres de son cabinet devant le parlement; il pouvait en être le cas pour le président de la république, mais malheureusement ou heureusement ce dernier est irresponsable devant le parlement.

Plus encore, Il est de principe que tous les agents ou le personnel des services publics sont les fonctionnaires de l’Etat, c’est-à-dire agent de carrière; or le cabinet du président de la République est composé essentiellement d’un corps des agents publics de l’Etat temporaires n’ayant aucune carrière professionnelle, donc n’étant pas des fonctionnaires publics. C’est ce qui nous laisse voir que le cabinet du président de la république n’est pas un service public au sens de la loi. Mais en vertu de quoi on peut exercer un contrôle parlementaire sur ce cabinet et rendant ainsi son directeur responsable politique devant le parlement?

A ce sujet…

Le contrôle parlementaire n’est pas exercé sur l’exécutif( nous assumons) dont le président de la République est chef, mais plutôt sur le gouvernement et les entités publiques en service précitées. Voilà que naît l’irresponsabilité politique du président de la République dont l’idée à l’origine tirée du vieil adage « The King can do no wrong » traduit en « Le roi ne peut mal faire »( Droit constitutionnel 21e édition 2019, Louis Favoreu †
Patrick Gaïa
Richard Ghevontian Jean-Louis Mestre
Otto Pfersmann
André Roux
Guy Scoffoni, Dalloz, p.727).

Les membres de son cabinet sont ses services, en les contrôlant c’est le président de la République qu’on serait entrain de contrôler. C’est ainsi que dans l’affaire Benalla de 2018 dans laquelle un membre du cabinet du président MACRON étant accusé d’abus de pouvoir et bien d’autres faits lui reprochés, le président déclarait ainsi: « s’ils veulent un responsable, il est devant vous, qu’ ils viennent le chercher »(AFP, 10 septembre 2018). Cette déclaration était un rappel au parlement qui voulait se saisir de l’affaire que en contrôlant son conseiller, c’est lui qui serait visé.

Il en est de même chez nous et dans le cas sous examen, les actes posés par le directeur de cabinet du président de la République sont les actes du président de la république et s’il outrepasse son pouvoir, c’est devant le seul président de la République qu’il est responsable car il peut carrément décider de le révoquer tout simplement sans l’intervention du gouvernement, encore moins du parlement. Car ce dernier n’ayant en réalité aucune base légale pour contrôler ses actes politiques du fait que le cabinet n’est en rien un service public au sens de la loi comme nous l’avons dit ci-dessus. L’intervention du parlement sera donc une violation flagrante de la constitution car un tel contrôle est censé être tourné vers le président de la République qui est constitutionnellement irresponsable politique devant le parlement.

« Voyons donc, honorable, je sais que je ne suis peut-être pas innocent dans ce que vous me reprochez, mais je suis quand-même irresponsable devant vous, Laissez moi tranquille! » Peut dire, en blaguant, le directeur du cabinet du président de la République.

Toutefois, le député national peut tourner son action autrement et ici nous lui proposons; Cette voie s’il veut quand-même avoir des réponses de la part du directeur de cabinet.

Qu’est-ce qui devait être fait??

Il est vrai que le programme de 100 jours du chef de l’Etat, dans l’hypothèse où il relevait du seul président de la République était conçu, sans le voir, dans l’idée d’échapper au contrôle parlementaire à défaut qu’il soit mis en oeuvre normalement par le gouvernement. Or, le fait que ce programme était financé par le trésor public il était nécessaire qu’un contrôle extérieur au cabinet soit rendu possible, mais tout est toujours possible à celui qui croit et à celui qui sait la voie à suivre.

Le député national dit avoir mené des enquêtes incriminant le directeur du cabinet du président de la République dans la passation des marchés publics liés aux travaux de 100 jours et bien d’autres reproches. Pour mener un contrôle parlementaire afin d’établir la vérité avec possibilité d’entendre le directeur de cabinet, il faut recourir au mécanisme de contrôle relatif à la commission d’enquête conformément au règlement intérieur de l’assemblée nationale.

Cette commission d’enquête à diriger contre le ministre de l’ITPR ou le directeur général de l’OVD par exemple, selon le cas, une fois mise sur pied va laisser l’opportunité d’entendre toute personne dont l’audition est utile pour l’établissement de la vérité. En faisant ainsi, le parlement peut entendre le directeur de cabinet en ce qui lui est reproché non pas comme étant responsable devant la chambre, mais comme témoin ou renseignant.

Ainsi on peut arriver à avoir ses réponses aux questions écrites qui lui ont été adressées sous forme de contrôle parlementaire. Et à l’issue de cette audition le directeur de cabinet peut être poursuivi en justice si la commission constate des actes infractionnels contre lui après son témoignage. Et là il répond pénalement par incidence sur fond d’un contrôle parlementaire qui ne lui était pas du tout destiné en respect des textes.

C’est ce que le parlement français a toujours fait devant un tel blocage. C’est le cas de l’affaire Benalla précitée. Le sénat ayant ouvert une commission d’enquête a eu par celle-ci l’occasion d’entendre les hauts cadre du cabinet du président de la république, c’était le cas du secrétaire général de l’Elysée Alexis Kohler et le directeur de cabinet du président de la république Patrick Strzoda; et même M. Benalla lui-même, sans que l’irresponsabilité politique du président pour lequel ils travaillent ne soit entachée même si le cabinet a allégué que leur comparution à la commission était préalablement autorisée par le président lui-même.

Ce que nous ne trouvons pas juste dans le sens que, si sans autorisation du président on viole son irresponsabilité politique et que l’autorisation peut effacer cette violation il semble qu’on laisse le principe même d’irresponsabilité à l’appréciation du destinataire. Ce qui n’est pas vrai car le principe est attachée à la fonction et non pas à la personne du président de la république. Ces comparutions s’inscrivent juridiquement sur le fond de la possibilité de recevoir des témoins et renseignants comme nous l’avons déjà dit. Ce mécanisme se trouve inscrit dans tous les règlements intérieurs de l’assemblée nationale; dans celle de la !législature passée c’est l’article 184 qui le prévoyait, actuellement c’est l’article 205 qui fonde cette action. Nous espérons qu’elle va demeurer pour toujours, car cela permet de débloquer un contrôle constitutionnellement bloqué.

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