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Abolition de la peine de mort en RDC : Qu’en pensent les activistes des droits de l’homme ? (Interview exclusive avec Me Carlos Mupili)

Par Egide Ombum 

La plaidoirie pour l’abolition de la peine de mort continue en République Démocratique du Congo. Depuis les années 2006, plusieurs initiatives ont été faites pour obtenir l’abolition de cette mesure restrictive mais elles ont toujours été réduites au néant. En début de semaine, le réseau des associations des activistes des droits de l’homme et abolitionnistes de la peine de mort a rehaussé sa voix pour exiger l’abolition de la peine de mort en RDC. Mais, qu’en pensent les activistes des droits de l’homme ? Me Carlos Mupili, président national de la Dynamique Chrétienne pour la Défense des Droits Humains et de l’Environnement (DCDHE) et enseignant de droit à l’Université, répond aux questions de la rédaction.

Congopresse (CP) : Que pensez-vous de la plaidoirie menée par les activistes de droits de l’homme pour l’abolition de la peine de mort en RDC ?

Me Carlos Mupili : Pour la plaidoirie menée par la société civile dont les organisations de défense de droits humains pour l’abolition de la peine de mort, je crois que c’est un plaidoyer qui date de très longtemps, depuis plusieurs années. Même à la première législature de 2006, il y a eu même une proposition de loi de l’honorable député professeur Nyabirungu et le professeur Mbata. Mais, cette proposition de loi a été rejetée au niveau de l’assemblée nationale. Donc, ça date de longtemps.

CP : Pouvez-vous nous retracer brièvement l’histoire de la peine de mort ? Quand est-ce qu’elle a été instaurée et c’était pour quelle raison ?

Me Carlos Mupili : L’histoire de la peine de mort date de l’époque immémoriale. Parce que cela a commencé avec la vengeance privée dont la justice était considérée comme la vengeance. Et c’était parti avec le code de Hammourabi, œil pour œil, c’est-à-dire celui qui tue doit aussi être tué. Même avec le droit romano-germanique, la peine de mort a été maintenant consacrée comme une peine qui servait de soustraire un délinquant de la société. C’est-à-dire pour sécuriser la société d’un délinquant, d’un criminel, son élimination physique pouvait restaurer la paix collective.

CP : Comment était appliquée la peine de mort dans nos sociétés traditionnelles africaines, particulièrement en RDC ?

Me Carlos Mupili : Dans nos sociétés traditionnelles africaines, la peine de mort était appliquée mais pas de la manière de la justice parce que chez les africains, ils avaient déjà connaissance du droit de l’homme, de la dignité humaine, de la sacralisation de la vie humaine. Ce sont les blancs qui appliquaient vraiment la peine de mort parce que chez les occidentaux la vie humaine était moins que la fortune. L’argent pour un homme blanc avait de la valeur que la vie humaine. C’est pourquoi vous avez vu dans des sociétés occidentales, il y a eu l’esclavagisme, le racisme. Mais, ce sont des crimes qui n’ont jamais été observés en Afrique. Quoi qu’en Afrique parfois on confond la relation de la dépendance à l’esclavagisme, mais ça n’a pas le même sens, parce que l’esclavagisme en Europe était la déshumanisation de l’homme.

CP : Comment est-ce que la peine de mort était conçue en Afrique ?

Me Carlos Mupili : La compréhension de l’esclavagisme en Afrique était comme la relation d’un domestique et son patron. En Afrique, on avait vraiment le souci de reconvertir le criminel pour qu’il puisse être resocialisé. C’est pourquoi il y avait même des conseils de sage pour resocialiser les délinquants, savoir pourquoi a-t-il agi de cette manière et comment peut-on le rétablir dans la société. C’était en même temps de la criminologie pour comprendre le comportement du criminel, mais aussi la peinologie. On administrait des peines au criminel pas pour le faire souffrir mais pour l’éduquer. Le conseil de sage, la justice traditionnelle prononçait rarement la peine de mort au nom de la sacralisation de la personne humaine. Mais la peine de mort était dans des pratiques mystérieuses. Quelqu’un qui a volé une chèvre, on pouvait l’éliminer par la foudre ou d’une autre manière de la sorcellerie.

CP : Comment peut-on différencier la peine de mort à la peine de prison à vie ?

Me Carlos Mupili : La différence entre ces deux mesures est simple. La peine de mort est une sanction pénale qui vise à éliminer physiquement c’est-à-dire à ôter la vie du délinquant du fait d’avoir commis une infraction déterminée. Mais, la prison à vie qu’on appelle peine à perpétuité, là on ne vous ôte pas la vie mais on vous garde en prison jusqu’à ce que vous puissiez mourir en prison. C’est aussi une forme d’élimination dans la société mais qui n’est pas une élimination physique. Les deux sont des peines qui consistent à vous soustraite, à vous extraire de la société à cause de votre comportement criminel.

CP : Quel intérêt pouvons-nous avoir si cette peine était abolie dans notre pays ?

Me Carlos Mupili : L’intérêt serait pour le condamné à mort et pour les familles de ce dernier. Mais, pour les familles de victimes, je crois qu’ils n’auront pas d’intérêt. C’est là où il y a un problème. Dans notre pays où nous avons beaucoup de seigneurs de guerre, beaucoup de criminels qui tuent chaque jour, abolir maintenant la peine de mort, c’est un peu compliqué, c’est comme si on encourage les gens à continuer à commettre les crimes. Pour le législateur de l’époque, il a estimé qu’on pouvait encore gardé la peine de mort pour dissuader les auteurs présumés de l’homicide. Et aussi, lorsqu’on y entre dans la philosophie, même nous qui demandons l’abolition de la peine de mort, sommes-nous vraiment abolitionnistes ? La France est un pays abolitionniste. Elle a abolie la peine de mort en 2002. Mais, on a vu le Président français Sarkozy prendre la champagne parce qu’il a réussi à assassiner directement Kadhafi. Comment la France qui est un pays abolitionniste au nom de la sacralité de la vie humaine peut-elle être derrière les assassinats des différents Présidents patriotes en Afrique ? La même France, lorsqu’il y a un terroriste qui tue la gendarmerie française, tire aussi sur le criminel. Donc, c’est là aussi la complexité des choses. Est-ce que la vie sacrée de quelqu’un qui est condamné à mort est très importante que la vie de victimes ? Donc, s’il faut privilégier la vie humaine, faisons-le pour les innocents. Pourquoi on doit plus se préoccuper pour la vie des condamnés à mort et non sur la vie des personnes innocentes ?

Retenons que Me Carlos Mupili a soutenu l’idée de maintenir la peine de mort car, l’abolir serait une manière d’encourager les criminels à continues à perpétrer des tueries. Etant donné que le pays est minée par des présumés seigneurs de guerres, la peine de mort a son raison d’être en RDC. C’est ce qu’a souligné Me Carlos Mupili.

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