L’état de la justice congolaise a fait l’objet d’une interview accordée, ce mardi 18 juillet, à Congopresse, par le président national de la Dynamique Chrétienne pour la Défense des Droits Humains et de l’Environnement (DCDHE), Me Carlos Mupili.
« La justice congolaise se trouve au même état que les autres secteurs du pays. Nous sommes face à un fait sociétal où tous les secteurs sont en panne », a déclaré Me Carlos Mupili, avant de saluer le courage démontré par le Chef de l’État qui a accepté la défaillance de la justice et la dégradation de l’appareil judiciaire sous l’exercice de son mandat.
« Les propos du président de la République par rapport au service rendu par notre justice, moi je peux considérer ça comme une auto-évaluation dans le secteur judiciaire d’autant qu’il a promis l’État de droit, il avait promis une justice républicaine dans son mandat. Il espérait qu’avec les nouvelles têtes qui animent les différents corps et sous organes judiciaires que les choses avanceraient mais les résultats sont tels que l’appareil judiciaire s’est dégradé plus qu’avant », a-t-il souligné.
En rapport avec l’éthique des magistrats, cet enseignant d’université et chercheur en droit a déclaré que le problème de la corruption ne frappe pas que le secteur de la justice. « La corruption est partout dans notre pays. Il n’y a aucun secteur qui est épargné », a-t-il dit. Selon lui, il y a deux facteurs qui détruisent la justice congolaise notamment l’environnement et la sanction.
Me Carlos Mupili entend, par l’environnement, les conditions difficiles dans lesquelles travaillent les magistrats et qui les exposent aux « mauvaises pratiques ». Cet enseignant d’université exige que des « magistrats véreux » soient sanctionnés. Pour lutter contre la corruption et toutes ces bavures dans le secteur de la justice, Me Carlos Mupili préconise aussi la formation.
« Là même où l’étudiant du droit est formé, il faut qu’il puisse être formé dans l’environnement de l’éthique et cette éthique doit être communiquée par le savoir faire et savoir être des enseignants de droit. Malheureusement, à l’Université, on ne transmet que le savoir cognitif. Et dès qu’ils sont recrutés, ils sont en stage, ils rencontrent des vieilles casseroles qui vont leur apprendre comment faire la tracasserie judiciaire, comment il faut mapper un justiciable pour le pousser à donner de l’argent’, a fait savoir Me Carlos Mupili.
« Tout ça c’est au niveau de la formation, c’est là qu’il faut d’abord miser. Comme dans d’autres pays, si un étudiant en faculté de droit est attrapé entrain de tricher, il doit être chassé. Si un professeur du droit donne des côtes aux étudiants de sa tribu, il prépare ces futurs magistrats au tribalisme. Et si dans la faculté de droit, on voit tous les députés, tous les ministres, tous les gouverneurs qui ne viennent pas au cours mais qui distinguent, directement, on communique quoi aux futurs magistrats ? », s’est-il interrogé.
Le président de la DCDHE a, par ailleurs, invité les magistrats à construire leur propre personnalité et à « avoir honte » de continuer à obéir aux injonctions des acteurs politiques, tout en affirmant que « la dignité d’une personne ne s’achète pas ».
« C’est question que les magistrats construisent d’abord leur propre personnalité. Vous verrez souvent que ce sont les mêmes professeurs de droit qui sont dans des cabinets, dans des différents partis politiques, pour justifier ce qui sont des thèses inconstitutionnelles, des thèses qui sont contraires même de leurs syllabus. La politique prend le dessus tout simplement parce que la justice n’est pas indépendante. Le jour où nous aurons un pouvoir judiciaire, tout ça va s’arrêter. Jusque là on n’a pas de pouvoir judiciaire malgré les textes constitutionnels. Nous avons un service judiciaire qui accepte des injonctions de la politique », a lâché Me Carlos Mupili.
« Nous devons avoir honte et prendre conscience. Car, lorsqu’il y a des gens qui appellent les magistrats au nom du président de la République, arrêtez ce monsieur là parce que l’ordre vient du président de la République. Et le président de la République qui passe dans une émission pour jeter de l’opprobre au corps judiciaire, je crois que nous devons prendre conscience parce que la dignité ne s’achète pas », a-t-il insisté.
Rappelons qu’il y a quelques jours, au cours d’une interview avec sa porte-parole Tina Salama, le président de la République, Félix Tshisekedi avait déploré la qualité de la justice en RDC. Le Chef de l’État déclarait que la « justice détruit le pays ». Par contre, Félix Tshisekedi avait indiqué qu’il n’est jamais intervenu dans aucun dossier en justice pour demander libération ou l’arrestation d’une personne. Cette interview, réalisée à la veille des élections générales de décembre prochain, était vivement critiquée au sein de la classe politique. Certains opposants avaient saisi ce discours pour crier à l’échec de Félix Tshisekedi à la tête du pays.