
L’adoption en première lecture par l’Assemblée nationale, le 15 juin 2025, de la proposition de loi modificative de la loi n° 22/069 du 27 décembre 2022, portant sur l’activité et le contrôle des établissements de crédit, constitue un tournant majeur pour la RDC. En tant qu’initiateur de cette réforme, je tiens à lancer un appel d’alarme : l’article 11 modifié, qui donne à la BCC le pouvoir de fixer les quotités de participation dans le capital des banques, représente une menace immédiate. En attendant sa seconde lecture au Sénat prévue pour septembre 2025, cette mesure suscite un paradoxe dangereux : elle risque d’entraîner une dilution des actionnaires ultra-minoritaires (possédant entre 1 et 5 %), tout en excluant les petits souscripteurs (moins de 5 %) des nouvelles banques.
La fixation des quotités, issue de l’approche coercitive de la loi initiale et de l’instruction 18 de la BCC (fixant au minimum 15 %), constitue une véritable bombe à retardement. Si l’intention de la BCC est de diversifier l’actionnariat afin de renforcer la stabilité des banques, cette mesure risque surtout de concentrer le capital entre quelques grands investisseurs, marginalisant ainsi les ultra-minoritaires et excluant les petits souscripteurs dans un secteur déjà fragile.
Les dangers sont nombreux : les actionnaires détenant moins de 5 %, souvent des Congolais, sont exposés à une dilution forcée si leurs parts ne respectent pas les seuils imposés. À titre d’exemple, dans une banque avec un capital de 50 millions USD, une quotité de 5 % représente 2,5 millions USD , une somme inaccessible pour la majorité des citoyens congolais. Par ailleurs, leurs droits préférentiels de souscription, qui sont généralement protégés dans d’autres régions d’Afrique comme la CEMAC ou l’UEMOA, seraient gravement compromis en RDC.
De plus, les nouvelles banques seront susceptibles de ne favoriser que des actionnaires significatifs afin de respecter les quotités réglementaires, au détriment des citoyens ou des PME intéressés par des participations inférieures. Cette barrière financière entrave l’épargne populaire, qui est essentielle pour favoriser la bancarisation, contrairement à l’exemple du Kenya où l’encouragement des petites participations a permis de stimuler l’inclusion financière.
De plus, l’article 46 de la loi, qui confère à la BCC le pouvoir de suspendre les droits de vote des actionnaires nuisibles, suffit à lui seul pour gérer les risques liés à une concentration excessive. Cette disposition rend donc la fixation des quotas redondante et potentiellement dangereuse.
Répandues en RDC, les banques à actionnariat de type « majoritaire », telles qu’Equity BCDC, TMB, Rawbank, Citi ou Ecobank, risquent de devoir effectuer des restructurations brutales, ce qui pourrait compromettre leur stabilité dans un contexte économique déjà fragile. Dans le cas où la mesure de fixation de quotités serait maintenue, la BCC devra agir en adoptant des mesures concrètes :
1) Fixer des quotités minimales faibles (<1 %, par exemple 500 000 USD pour 50 millions USD) pour favoriser l’inclusion des petits investisseurs et PME, comme au Kenya.
2) Garantir aux détenteurs de <5 % leurs droits préférentiels de souscription, en alignement sur les normes CEMAC/UEMOA.
3) Accorder des dérogations ciblées aux banques existantes et aux nouvelles avec souscriptions inférieures à 5 %.
4) Offrir des exonérations fiscales (réductions ou crédits) aux petits souscripteurs, PME, diaspora (une stratégie qui a permis au Kenya d’accroître la bancarisation de 5 % en cinq ans).
5) Renforcer la gouvernance par des normes strictes et des inspections pour assurer la stabilité sans quotas coercitifs.
6) Consulter l’ACB et les investisseurs pour éviter des seuils prohibitifs (ex. 15 %, soit 7,5 Mios USD).
7) Réaliser une étude d’impact préalable sur l’inclusion et l’attractivité.