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Près de 3 milliards Usd non rapatriés par les sociétés minières au premier semestre 2020, alerte Constant Mutamba

TRIBUNE III
PRES DE 3 MILLIARDS USD NON RAPATRIES PAR LES SOCIETES MINIERES AU PREMIER SEMESTRE 2020.

1. Exportation de la production minière congolaise
L’Etat congolais autorise l’exportation des produits miniers par les opérateurs miniers, mais il n’en précise pas l’état dans lequel ils peuvent être exportés. Voilà pourquoi la production minière congolaise est toujours exportée à l’état brut.
C’est ce qui ressort de l’article 266 al. 1er et 3 qui dispose que « le titulaire est autorisé à exporter et à commercialiser sa production au prix du marché, sous réserve du droit pour l’Etat de déterminer la quotité de production à exporter en fonction des besoins de l’industrie locale. Les recettes en devises y relatives sont encaissées dans les quarante-cinq jours calendrier à dater de la sortie des biens du territoire national pour un pays africain et de l’embarquement à partir du territoire national ou d’un pays africain, sauf si le contrat de vente comporte des dispositions particulières concernant le délai de paiement.
Le Règlement minier fixe la quotité ainsi que les modalités d’application de la réserve émise à l’alinéa 1er du présent article ».
2. Rapatriement des recettes
Le législateur congolais oblige les opérateurs miniers à rapatrier les recettes d’exportation suivant le seuil correspondant au niveau d’amortissement de l’investissement.
Ainsi, l’article 268 al. 2 et 3 dispose que « si l’opérateur minier a ouvert plusieurs comptes auprès du système bancaire national, le titulaire d’un droit minier a l’obligation de rapatrier les recettes d’exportation dans le compte ouvert dans une banque agréée auprès de laquelle l’exportation a été domiciliée ».

L’article 269 al. 1er, 2 et 3 renchérit en disposant que « le titulaire qui, en phase d’amortissement de son investissement, exporte les produits marchands des mines est :
a. autorisé à garder et à gérer dans son compte principal et ses comptes de service de la dette étrangère les recettes de ses ventes à l’exportation à concurrence de 40%. Les modalités de l’approvisionnement des comptes destinés au service de la dette étrangère, ainsi que les modalités de paiement du service de la dette étrangère du titulaire, sont établies dans les conventions d’emprunt conclues par l’emprunteur avec ses bailleurs de fonds étrangers ;
b. tenu de rapatrier obligatoirement dans son compte tenu en République Démocratique du Congo, 60% des recettes d’exportation dans les quinze jours à dater de l’encaissement au compte principal prévu à l’article 267 du présent Code.
En cas d’amortissement de son investissement, il est tenu de rapatrier 100% des recettes de ses ventes à l’exportation dans son compte national principal en République Démocratique du Congo dans le délai prescrit au littera b de l’alinéa précèdent.
Ne peut garder une quotité des recettes d’exportation ou des préfinancements à l’étranger que le titulaire des droits miniers qui a communiqué les coordonnées bancaires et qui transmet trimestriellement à la Banque Centrale du Congo le rapport de ses activités enregistrées dans le compte principal, tel que disposé à l’article 271 du présent Code.
La quotité rapatriée est destinée à couvrir les dépenses domestiques en faveur des résidents et ne peut servir à financer les transactions reprises à l’article 264 du présent Code ».
3. Sanction en cas de non rapatriement
Le législateur congolais érige en infraction, le non rapatriement des recettes d’exportation.
L’article 309 bis dispose que « le titulaire qui ne rapatrie pas les 60 % des recettes d’exportation, conformément aux dispositions de l’article 268 alinéa 2 du présent code, est puni d’une amende d’un montant égal à 5% du montant non rapatrié ».
Ceci suppose l’existence d’un organe permanent de suivi et de contrôle des exportations et des rapatriements des recettes d’exportation. A l’absence de cet organe, c‘est la Banque Centrale du Congo qui en fait office.
4. L’état de rapatriement au premier semestre 2020

4.1. Montant des recettes d’exportation et de rapatriement

Période recettes d’exportation déclarées en USD Montant rapatrié en USD Taux de rapatriement
De janvier à juin 2020 2 826 842 820,70 1 807 712 085,01 63,95%

4.2. Approche approximative, en considérant l’écart de 20% de la réalité :
Période Montant des recettes d’exportation en USD Montant rapatrié en USD Taux de rapatriement
De janvier à juin 2020 5 326 218 548,81 1 807 712 085,01 33,94%

Il s’observe de l’analyse de notre deuxième tableau que le taux de rapatriement des recettes d’exportation au premier semestre 2020, s’est révélé trop faible.
5. Conséquences financières du non rapatriement
Le non rapatriement de 100% de 60% des recettes d’exportation par les entreprises minières a occasionné une baisse sensible de l’offre de devise sur le marché. Les opérateurs miniers, principaux pourvoyeurs des devises, qui exportent les minerais n’ont pas rapatrié leurs recettes d’exportation comme l’exige le Code minier.
La vacillation du taux de change est entre autres due à la baisse de l’offre. La devise américaine qui s’est fait rare sur le marché, a occasionné la surenchère sur le marché.
Si les entreprises minières avaient rapatrié 60% des devises au pays, la RDC disposerait d’un matelas des devises suffisant pour accorder des crédits dans des bonnes conditions .
L’absence d’évaluation des rapatriements de l’année 2019 et du premier semestre 2020, a aussi été à la base de la baisse de ce taux de rapatriement.
Mais pourquoi la Banque Centrale du Congo n’a-t-elle pas organisé des missions périodiques de contrôle, alors que le législateur minier oblige les opérateurs miniers à rapatrier les 60% des recettes d’exportation dans les quinze jours à dater de l’encaissement au compte principal ?
Curieusement, même les sanctions d’amendes prévues par l’article 309 n’ont pas suivi.
La BCC s’est limitée à adresser des lettres de rappel aux entreprises minières non en règle.
Pour une question aussi capitale, nous pensons que la mise en place d’une structure autonome chargée du suivi et du contrôle des rapatriements des recettes d’exportations s’avèrent urgente.

6. Approximations utilisées

Faute de documents de base de vente ou d’exportation des produits miniers, les approximations ci-après ont été utilisées :
• Les recettes ne concernent que le cuivre, le cobalt et l’or, car ces trois substances représentent à elles seules environ 80% de recettes.
• Les prix de vente des produits miniers ont étés calculés sur base des mercuriales publiées par la Commission Nationale des mercuriales, lesquelles mercuriale sont utilisées par les services des recettes pour calculer l’assiette de taxation.
• Les cours utilisés dans le calcul sont les cours moyens de chaque période considérée de janvier à juin 2020.
• Taux de valorisation est un facteur qui prend en compte le degré de l’élaboration d’un produit minier au moment de son exportation :
– Cuivre : 100% pour les cathodes et une moyenne de 60% pour les produits intermédiaires, notamment le cuivre noir, le concentré, le cuivre blister et carbonate.
Dans le tableau des valeurs de base, le taux le plus faible est de 55% appliqué au concentré de teneur inférieure à 20% et le taux le plus élevé est de 95% appliqué au cuivre noir ou blister titrant plus de 90%.
– Cobalt : une moyenne de 65% est appliquée à tous les produits corallifères. Le tableau des valeurs de base varie de 50% pour le concentré de faible teneur et 75% pour les hydroxydes à plus de 35% ;
– L’or : une moyenne de 75% est appliquée au lingot d’or ;
– Les quantités exportées sont tirées des statistiques de production, publiés dans le bulletin des statistiques minières du ministère des mines.

7. Estimations des recettes d’exportation de janvier à juin 2020

Les cours moyens calculés sur base des données reprises dans les trois graphiques ci-dessus sont respectivement de 6008,64$ US par tonne pour le cuivre, 35 059,5$ US par tonne pour le cobalt, et 40 162 200$ US par tonne pour l’or.

Substances Quantités exportées en tonne Cours moyens $ US par tonne Taux de valorisation Recettes probables en $US
Cuivre cathode
Autres
Total 765 532,54 5 473,00 0,925 3 875 527 622,06
Cobalt 38 815,63 35 268,97 0,60 821 392 374,00
Or 15,63938 53 650 000,00 0,75 629 298 552,75
Total 5 326 218 548,81

Période Montant des recettes d’exportation en USD Montant à rapatrier en USD = 60%

De janvier à juin 2020 5 326 218 548,81
3 195 731 129,29

8. Conclusion
Eu égard à ce qui précède, nous suggérons au Gouvernement de :
– Mettre en place une structure autonome, chargée du suivi et du contrôle des exportations des produits miniers ainsi que du rapatriement des recettes d’exportation ;
– Sanctionner les entreprises minières non en règle, conformément à l’article 309 bis du code ;
– Organiser des évaluations trimestrielles sur les exportations des minerais et les rapatriements des recettes issues de ces exportations.
Fait à Kinshasa, le 25 septembre 2020

Constant MUTAMBA TUNGUNGA

Mandataire en Mines et Carrières

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