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RDC : l’arrêt de la Cour constitutionnelle qui affaiblit Kabila

Par Giscard Havril / JA

En mettant fin au principe du « mandat impératif » des députés, qui empêchait les parlementaires de quitter leur parti au risque de perdre leur siège, la Cour constitutionnelle a douché les espoirs des pro-Kabila de contrer sur ce front l’Union sacrée de Tshisekedi.

Pour les députés du Front commun pour le Congo restés fidèles à Joseph Kabila, c’était la dernière cartouche sur le plan procédural. Mais dans son arrêt du vendredi 15 janvier, la Cour constitutionnelle a définitivement douché leurs espoirs sur ce front.

Le bureau d’âge de l’Assemblée nationale – désigné suite à la destitution du bureau présidé par Jeanine Mabunda – avait saisi la Cour pour trancher un débat qui, s’il peut sembler aride, est fondamental dans le vaste mouvement de recomposition de la majorité parlementaire qui se joue depuis que Félix Tshisekedi a rompu l’alliance avec son prédécesseur et cherche à constituer une « Union sacrée de la nation ».

Fin du « mandat impératif »

Les pro-Kabila, se référant au règlement intérieur de l’Assemblée nationale, arguaient en effet qu’un député élu sous les couleurs d’un parti ou d’un regroupement de partis ne pouvait, en cours de mandat, changer d’étiquette. Un mandat « impératif », affirmait le camp Kabila, qui, en cas de non-respect, entraînait la perte de son siège par le député « fautif ». En clair, le FCC espérait ainsi obtenir la mise à l’écart de l’ensemble des députés qui, élus sous sa bannière, avaient rejoint l’Union sacrée de Tshisekedi.

Dans son arrêt du 15 janvier, la Cour constitutionnelle a, au contraire, annulé le principe du « mandat impératif », autorisant donc de fait les députés à changer de bord en cours de mandat. La Cour a rappelé « la primauté des dispositions constitutionnelles sur celles du règlement intérieur de l’Assemblée Nationale ». En l’occurrence, un député n’est pas élu au nom d’un parti, mais « bien au nom de la nation » et le mandat impératif est donc « non conforme à la Constitution ». La Cour, qui insiste par ailleurs sur la nécessité de protéger l’indépendance des parlementaires, rappelle que ceux-ci sont élus pour « un mandat politique et représentatif » à la fois « libre et non révocable ».
Joseph Kabila, « autorité morale » du Front commun pour le Congo, n’a donc aucune autorité légale sur les députés élus sous les couleurs de son regroupement politique.

Dans le camp de Félix Tshisekedi, cet arrêt a sans surprise été accueilli avec soulagement. « Il fallait en effet se rassurer sur le fait que la Constitution ne soit pas violée, qu’il n’y avait aucun risque que l’on puisse dénicher des dispositions remettant en cause la démarche engagée pour constituer l’Union sacrée », confie une source dans l’entourage du président.

« Vous êtes devenus les patrons »

Cet arrêt laisse les coudées franches à Modeste Bahati Lukwebo, l’informateur chargé par le président congolais d’identifier une nouvelle majorité parlementaire. Le sénateur, lui-même issu des rangs du FCC avec lequel il était en rupture depuis plusieurs mois, a été reçu lundi 18 janvier par le chef de l’État afin de dresser le bilan de son action « à mi-parcours ». Nommé le 1er janvier, pour une période de 30 jours renouvelable une fois, Bahati Lukwebo, par ailleurs président de l’Alliance des forces démocratiques et alliés (AFDC-A), a promis de rendre son rapport d’ici la fin du mois.

LE MAÎTRE DU JEU, DÉSORMAIS, C’EST LE DÉPUTÉ

Par l’arrêt de la Cour constitutionnelle, « les élus du peuple sont confortés dans leur liberté d’agir dans le cadre de l’exercice de leur mandat parlementaire, du reste irrévocable, se félicite le député Guy Mafuta, un cadre du Parti pour la reconstruction et la démocratie (PPRD de Joseph Kabila, principale composante du FCC) ayant rejoint l’Union sacrée. Cela constitue en outre un avantage important pour l’initiateur de la dynamique de l’Union sacrée pour la Nation, qui a désormais la possibilité de faire basculer la majorité en sa faveur sans violer la Constitution ».
« Le maître du jeu, désormais, c’est le député : vous êtes devenus les patrons », a pour sa part commenté Mboso Nkodia Puanga, président du bureau d’âge. Mais si cet arrêt mettant fin au principe de « mandat impératif » fait les affaires du camp de Félix Tshisekedi dans le contexte actuel, le journaliste et analyste politique Israël Mutala prévient qu’il pourrait également avoir, à terme, des effets délétères, y compris pour le camp présidentiel. « Cet arrêt, qui rend les députés libres comme l’air, est potentiellement une licence donnée aux parlementaires de désobéir à tout mot d’ordre ou consigne de vote de leur parti ou de leur regroupement, avertit-il. Cela porte en germe une possible instabilité de l’institution, si cette liberté est utilisée de manière excessive. »

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