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Etat d’urgence en droit constitutionnel congolais : « Nos ambiguïtés et confusions textuelles » (Tribune)

Pour la première fois sous la constitution du 18 février 2006, il a été proclamé l’état d’urgence par l’ordonnance du président de la république du 24 mars 2020.

Plusieurs voix se sont levées, soient pour louer l’initiative, soit pour critiquer la forme.

Dans ce deuxième cas les mobiles sont multiples. Nous retenons celui relatif à une éventuelle violation de l’article 119 point 2 de la constitution. Et ceci ressort de la déclaration faite par le président du sénat monsieur A. T. MWAMBA qui considère l’état d’urgence de fait et non de droit car le parlement ne l’ayant pas autorisé.

Qu’en est-il?

La simple lecture de cette disposition prévoit une éventuelle autorisation du congrès de la proclamation de l’état d’urgence, de siège et la déclaration de guerre. Or les articles spécifiques en la matière sont les 85 et 86, 144 et 145 de la constitution congolaise du 18 février 2006.

Les deux premières dispositions posent pour chacune de ces trois circonstances exceptionnelles la procédure à suivre, ce qui implique que la procédure n’est pas prévue à l’article 119 précité, mais plutôt aux articles 85 et 86 précités.

L’article 85 est en rapport avec l’état d’urgence et de siège qui doivent suivre la même procédure, en l’occurrence la consultation officielle préalable du premier ministre et des deux présidents des chambres du parlement, qui va déboucher sur une ordonnance du président de la république et un message à la nation ; la déclaration de guerre elle connaît une procédure distincte en ce qu’en dehors de la consultation, il est prévue une autorisation du congrès afin de la proclamation ou déclaration de guerre (art. 86).

En effet, dans tous les pays du monde il est prévu des règles sur les circonstances exceptionnelles qui sont généralement à trois. Elles peuvent connaître la même procédure comme en Allemagne, au Portugal, au Royaume-Uni où elles sont toutes soumises à l’autorisation du parlement en raison, de notre point de vue de leurs formes de gouvernement qui est parlementaire où tout doit se faire avec la participation du parlement.

Le constituant congolais, lui, a voulu distinguer la procédure à suivre pour la proclamation de ces 3 circonstances exceptionnelles. Si les deux premières se limitent à la consultation, la déclaration de guerre exige aussi l’autorisation du congrès, ceci, de notre point de vue, en ce que notre régime est semi-présidentiel ou semi-parlementaire où l’exécutif et le législatif partagent les pouvoirs politiques de l’Etat.

Donc, le rédacteur de l’article 119.2 ne devrait, en ce qui est de l’état d’urgence et de siège, parler que de la prorogation du délai ou de la mise à fin de ceux-ci, puis seulement l’autorisation en ce qui est de la déclaration de guerre. Ceci pour éviter ambiguïté et confusion.

Par ailleurs le même article 119.2 précité malgré cette ambiguïté a dû renvoyer cette question à se conformer aux prescrits des articles 85 et 86 précités. Ceci implique que le congrès en ce point doit observer les procédures posées par les deux dispositions et constater que l’autorisation n’est pas requise pour toutes les circonstances exceptionnellles.

D’ailleurs la (cour constitutionnelle) cour suprême de justice avait déjà tranché cette question. Dans son arrêt R.Const.061/TSR du 30 novembre 2007, elle déclarait inconstitutionnelle la disposition du règlement intérieur du congrès qui prévoyait l’autorisation de l’état d’urgence. Regrettable qu’un président du sénat ne puisse le savoir.

En effet, même dans les pays où l’autorisation est normalement requise elle intervient souvent en forme d’approbation de l’état d’urgence car les urgences ne peuvent attendre d’être autorisées; elles sont inattendues et exigent des mesures subséquentes avant que le pire n’arrive. Ceci devrait encore servir au constituant de penser à amender cette disposition de la constitution.

Nous pensons que cette première tentative va devoir construire et avancer notre droit constitutionnel, car les articles longtemps demeurés en sommeil sont aujourd’hui mis en musique, permettant ainsi aux analystes et chercheurs de concilier le texte à la pratique en la matière.

Donc, Mr le sénateur peut encore bien relire la constitution et s’en assurer. A la fin il trouvera sûrement que ses propos n’ont servi qu’à faire parler de lui tout un week-end et qu’en vrai l’état dd’urgence est logiquement de droit.

MUKADI KABEYA André
Chercheur en droit public
Contact: 0823668576

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