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La CENI est-elle compétente pour annuler les élections de certains candidats députés ? Tribune de Me Carlos Mupili, professeur à la faculté de droit

Congopresse

Il est vrai que si nos parquets généraux étaient respectueux du code de la procédure pénale, on aurait vécu le principe selon lequel : “Le Criminel tient le civil en état”. Donc, la justice pénale devait ouvrir les enquêtes sur base de toutes dénonciations et de la clameur publique sur les infractions électorales et de la corruption et poursuivre les auteurs devant les juridictions pénales. Malheureusement, les parquets généraux ont déçu la nation et voilà que la CENI a mis en place une commission d’enquête. On ferme ce chapitre.

Selon le droit administratif électoral qui consacre le principe de légalité, les articles 30 et 31 de la Loi organique sur la CENI, évoqués dans le Communiqué de la CENI, ne confèrent pas clairement la compétence à la CENI d’annuler les votes de certains candidats députés après la réception des plaintes ou des dénonciations. Cependant, le droit administratif général qui n’est pas né de la codification mais de la jurisprudence consacre la théorie des circonstances exceptionnelles.

Cette théorie des circonstances exceptionnelles reconnaît à l’Administration d’atténuer le principe de légalité dans certaines circonstances graves.
C’est le cas de l’affaire C.E. 1918 HERYES dont l’arrêt du Conseil d’État de Paris indique qu’en période de crise, l’Administration peut avoir des pouvoirs exceptionnels et étendus. Cette théorie va plus loin pour autoriser l’Administration à passer outre des règles de compétences et de forme, cependant le juge contrôlera si :
1. La situation était grave et imprévisible ;
2. L’ impossibilité de prendre la mesure en cours de manière régulière ;
3. La finalité de la mesure si son but vise l’intérêt général.

Par ailleurs, l’arrêt du Tribunal des conflits de Paris (T.C 1902 S I . de St Just) explique qu’en période d’urgence, l’Administration peut sortir de certaines limites de la règle de compétences.

Peut-on vérifier si la décision de la CENI d’annuler certains candidats députés répond aux trois critères pour établir les circonstances exceptionnelles :
1. Est-ce que les irrégularités constatées lors des scrutins présentent une situation grave et imprévisible ? Y a-t-il un tollé et une clameur publique de voir la fraude électorale ?
2. Vu le temps imparti, la CENI aurait encore autre voie à suivre de manière régulière avant la proclamation des résultats provisoires des députés ?
3. La sanction administrative contre certains candidats députés vise l’intérêt général ou c’est pour l’avantage privé des autorités de la CENI ?

Il sied à démontrer que l’annulation en tout ou en partie d’un scrutin selon l’article 75 de la loi électorale est de la compétence du juge électoral que si les irrégularités constatées impactent aux résultats de vote. Mais, la CENI en tant qu’organisatrice de la compétition électorale pour préserver le principe d’équité à tous les compétiteurs et surtout la moralité publique, s’appuie sur les us et coutumes pour sanctionner les candidats dévergondés comme un surveillant qui chasse un élève finaliste tricheur dans la salle de l’examen d’État, soit un arbitre qui donne un carton rouge au joueur coupable. Et d’ailleurs, la CENI a la compétence d’annuler les scrutins dans une circonscription électorale en cas des irrégularités constatées qui impacteraient aux résultats de vote.

Néanmoins, la Commission d’enquête de la CENI qui agit sous couverture d’un droit sanctionnateur devrait observer les principes généraux du droit pénal tel que le principe de droit de la défense qui exige que la personne accusée soit entendue pour se défendre avant d’être sanctionnée. La RDC n’avance pas car il y a plus de deux décennies, la voie royale pour accéder au pouvoir était la rébellion armée donc en versant du sang des congolais. Maintenant, avec la démocratie électorale qui allait être une correction politique, on ne peut jamais accepter que la fraude électorale soit la voie royale pour accéder au pouvoir.

En conclusion, la CENI est allée au-delà des limites de sa compétence au nom de la théorie des circonstances exceptionnelles du fait que la situation électorale actuelle est grave et cette mesure est nécessaire et vise l’intérêt général car on ne peut pas être géré par les immoraux politiques.
Voici mon analyse objective et le débat reste ouvert sur la compétence de la CENI d’annuler les votes.

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